Publié le Mercredi 7 décembre 2011 à 13h07.

D’Athènes à Paris, l’austérité contre les peuples

Ce qu’on entend depuis plusieurs semaines est évidemment choquant. C’est aussi un avertissement.

À entendre les commentateurs et les amis de Sarkozy, il serait temps en effet que les Grecs se mettent au travail et remboursent leur dette. Mais qu’ont-ils fait justement ces dernières années ? À quoi cela a-t-il servi ? Sinon à plonger la population dans la misère tout en aggravant la crise économique sans espoir d’en sortir ?

Les mesures d’austérité imposées depuis deux ans par le gouvernement socialiste de Papandréou sont sans équivalent depuis la fin de la guerre en Europe : diminution des salaires des fonctionnaires de 15  % puis de 20  % supplémentaires ; non-remplacement de 9 fonctionnaires sur 10 partant à la retraites ; baisse des retraites jusqu’à 20 % ; imposition des revenus à partir de 357 euros par mois.

Dans le privé, 20 % des entreprises ont fermé depuis deux ans ; et le quart de celles qui poursuivent leur activité accumule en moyenne entre 3 et 4 salaires impayés pour chaque employé. C’est toute l’économie qui plonge dans la récession, la vraie, celle qui bousille toute une économie et la vie de millions de gens.

Voilà pourquoi des centaines de milliers de manifestantEs (dans un pays de 10 millions d’habitants) se battent aujourd’hui avec la rage du désespoir. Un désespoir qui est encore monté d’un cran après l’annonce du prétendu « plan de sauvetage » le 26 octobre, lequel a provoqué une situation devenue presque hors de contrôle pour le gouvernement. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit un président de la République fuir une tribune officielle sous la pression de la foule, ou que des députés n’osent plus sortir dans la rue de peur d’être lynchés !

Contre tous les nationalismes, battons-nous sur un terrain de classe

D’Athènes à Paris, la situation recèle évidemment bien des chausse-trappes. Les capitalistes ne sont jamais à court de solutions. Pour preuve, la tentative désespérée de Papandréou d’essayer de canaliser la colère sur le terrain institutionnel avec l’annonce précipitée d’un référendum, avant de se résoudre à provoquer des élections anticipées. Mieux vaut en effet s’incliner devant le verdict des urnes (et organiser la passation des pouvoirs avec une droite désormais obligée de prendre ses responsabilités face à la contestation) plutôt que sous la pression directe de la rue. Mais il n’est pas sûr non plus que cela suffise à calmer la rue.

Discuter s’il faut sortir ou non de la zone euro à l’étape actuelle serait évidemment un piège. Un gouvernement des travailleurs porté par la mobilisation de la population romprait naturellement avec l’Union européenne, sans attendre. Mais la question immédiate qui est posée à la population n’est pas pour ou contre l’Europe. Il s’agit de refuser partout les politiques d’austérité justifiées par la dette, et la dette elle-même. Elle est de relier cette question à celle de l’expropriation du secteur bancaire, sa mise sous contrôle directement par les salariéEs et l’ensemble de la population, la nécessité face à la crise politique qui se prolonge de mettre en place un gouvernement des travailleurs seul capable de prendre les mesures de salut public qui s’imposent.

En France même, un discours nauséabond cherche à flatter la tentation des « égoïsmes sacrés » : que les Grecs payent, sinon la note va être encore pour nous ! Ou qu’ils s’en aillent !

En période de crise, les solutions protectionnistes, voire nationalistes, ne sont jamais loin.

C’est ignorer totalement l’imbrication complète des économies dans le cadre de la mondialisation et du marché unique européen, les rebonds multiples de la crise partie des USA en 2007, le rôle des entreprises françaises et des banques dans le pillage de la Grèce.

Partout les mêmes « marchés » c’est-à-dire les mêmes capitalistes pressurent les peuples. Les mêmes recettes sont imposées par tous les gouvernements de droite comme de gauche. En dehors des luttes, et du rapport de forces que nous saurons construire par-delà les frontières, sur un terrain de classe, il n’y aura pas de salut !

Front de résistance et campagne anticapitaliste

Les annonces de Fillon pour une austérité durable confirment que c’est l’idée même d’un « compromis social » déjà bien écorné depuis des années qu’ils veulent remettre en cause. Il n’y aura pas de demi-mesure : s’incliner jusqu’au bout ou rompre avec cette logique régressive et mortifère.

Résister aux attaques, c’est d’abord s’appuyer sur les préoccupations immédiates du monde du travail, confronté aux fins de mois difficiles, aux licenciements, à la précarité qui ronge le quotidien, au chômage. Chercher à y répondre, c’est aider à la convergence des luttes pour construire un rapport de forces plus élevé.

C’est aussi refuser de payer la dette qui nous étrangle. C’est le sens de l’engagement du NPA : mener une campagne d’agitation et de dénonciation la plus large et la plus unitaire possible pour mettre en cause cette dette totalement illégitime. Du soutien aux banquiers, en 2008, aux politiques fiscales totalement injustes menées depuis des années, c’est un mécanisme global que nous voulons dénoncer. En démontrer le caractère illégitime, c’est renforcer l’idée que nous devons exiger son annulation.

Cette dénonciation de la dette et des politiques d’austérité qu’elle cherche à justifier sera également au cœur de la campagne que mène le NPA avec son candidat Philippe Poutou. La campagne politique que nous voulons mener sur le terrain électoral n’est pas disjointe de l’ensemble de nos interventions.

Face aux crises multiples et imbriquées du capitalisme, la nécessité d’une alternative politique devra s’imposer. C’est en tout cas l’enjeu de cette campagne de lui donner un contenu au travers de quelques propositions phares que nous voulons populariser à l’échelle de masse. L’annulation de la dette publique et l’expropriation des banques sous le contrôle de la population en font partie. C’est indispensable si nous voulons en finir avec la spéculation et commencer à produire autrement, sur d’autres bases.

Jean François Cabral