Publié le Mardi 14 avril 2020 à 21h01.

Covid-19: les quartiers populaires en première ligne

Tribune publiée sur Mediapart

À l’heure du Covid-19, dans les quartiers populaires, «les inégalités sociales et raciales contribuent à tuer les habitants à petit feu». Conditions de confinement et accès aux soins difficiles, travailleurs en première ligne, criminalisation dans la rue et dans les médias... Face à la gestion «catastrophique voire criminelle» de la crise, un large collectif de citoyens exige que soient prises des mesures d’urgence pour protéger ces populations, «bouc émissaire facile d’un pouvoir aux abois».

Depuis plusieurs semaines le monde est frappé par l’épidémie de Covid-19 et particulièrement la France, qui est devenue en l’espace d’un mois l’un des pays les plus frappés par le virus. 

Si le virus ne fait pas de distinction entre les êtres humains, peu importe leur origine ou leur classe sociale, ce sont les inégalités sociales créées par les politiques gouvernementales successives et la gestion catastrophique voire criminelle du gouvernement actuel qui vient faire un tri social et racial dans la population.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté l’ensemble des propos de certains politiques ou éditorialistes, visant à faire passer les gens des quartiers populaires pour des animaux, pour des irresponsables. Le confinement est tout autant respecté dans les quartiers populaires qu’ailleurs. 

Depuis le début de cette crise, les personnes issues de l’immigration et des quartiers populaires sont en première ligne face à cette épidémie. Ils sont dans le milieu de la santé, dans les maisons de retraite, les Ephad, les hôpitaux ; ce sont les aides-soignantes, les ASH, les infirmières, etc.

On les retrouve également dans les professions essentielles à la vie de la population : agents de nettoyage, cheminots, traminots, caristes, magasiniers, livreurs, caissières, etc. Ces personnes des quartiers populaires sont également contraintes par la pression du gouvernement et des patrons à travailler dans des entreprises non essentielles à la vie du pays pendant l’épidémie, comme dans le bâtiment, l’automobile ou l’industrie métallurgique, les mettant ainsi en danger.

C’est aussi dans ces quartiers populaires qu’une solidarité active se met en place par des jeunes et des moins jeunes de manière spontanée. Des portages de repas, de gants, de masques, d’explications sur la nécessité du confinement aux échanges de paroles avec les personnes les plus isolées ; la solidarité est totale et souvent de la part des plus démunis. 

Nombre de personnes ont eu des proches atteints gravement par le virus, et beaucoup sont morts. Les premiers chiffres en attestent, avec l’augmentation de plus de 40% du taux de mortalité en un mois en Seine-Saint-Denis. Si le virus provient du pangolin, ce n’est pas lui le responsable. Par contre, ce sont bien les inégalités sociales et raciales qui contribuent à tuer ces habitants à petit feu.

Depuis des décennies, les moyens pour la santé sont de plus en plus rares. Les lits en réanimation par habitants sont moins nombreux dans les quartiers populaires et certaines campagnes qu’ailleurs. Concernant les médecins, on compte 54,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants dans le 93 contre 71,7 en Ile de France. Les gens meurent car il est devenu de plus en plus difficile pour eux d’avoir accès aux soins. Les inégalités perdurent pendant le confinement.

Il y a celles et ceux qui se promènent dans les beaux quartiers, et les habitants des quartiers qui sont réprimés en bas de chez eux parfois en allant faire leurs courses. Nombre de personnes ne savent ni lire ni écrire, pourtant elles doivent elles aussi fournir une attestation pour aller faire des courses. Presque 10% des contraventions du pays ont été signifiées dans le seul département du 93, c’est dire le niveau de répression.

Comment ne pas vouloir également prendre l’air et respirer, lorsque l’on vit confiné depuis 4 semaines, dans des appartements exigus et souvent insalubres ? C’est d’ailleurs parfois et paradoxalement le confinement dans des logements exigus et sur-occupés du fait du manque de logements sociaux, qui tue.

Voilà la manière dont sont traités les gens issus de l’immigration vivant dans les quartiers populaires, criminalisés dans la rue comme dans les médias, alors qu’ils paient souvent un plus lourd tribut face au Covid-19.

Les inégalités ne s’arrêtent pas là. Transports insuffisants, chômage qui explose, multiplication des licenciements ou des fins de contrats, sans oublier une jeunesse des quartiers qui vit de plein fouet l’inégalité sociale dans l’apprentissage, manquant de moyens et d’aides concrètes.

Nous ne tomberons pas dans cette arnaque de l’unité nationale, qui voudrait que nous laissions mourir les plus faibles sans rien dire, comme si c’était une fatalité.

Nous exigeons d’urgence l’arrêt des entreprises non essentielles dans tout le pays. 

Nous exigeons des moyens suffisants pour protéger celles et ceux en première ligne face au virus, dans la santé comme dans la production. 

Nous exigeons des tests massifs pour toute la population, ainsi que la réquisition des logements vides et des hôtels, afin de protéger les familles qui en ont besoin.

Nous exigeons des transports permettant à ceux qui travaillent pour la survie de la population, de le faire sans danger, en lien avec les revendications des salariés et syndicats des entreprises concernées.

Nous exigeons que les aides sociales soient rehaussées pour que les précaires puissent vivre plus dignement. 

Nous exigeons que soient interdits les licenciements, les ruptures de contrat et que le salaire soit maintenu à 100%.

Nous exigeons que les loyers, les charges notamment énergétiques soient gelées.

Nous exigeons un plan d’envergure pour l’hôpital public.

Nous exigeons la fin des contrôles au faciès qui génèrent des violences policières insupportables.

Nous exigeons la mise à l’abri ainsi que la régularisation de la situation administrative des migrants et des sans papiers. 

Les habitants des quartiers populaires ne seront pas une fois de plus le bouc émissaire facile d’un pouvoir aux abois.

Face à un gouvernement au service des grands patrons, ce n’est pas à nous de payer ni leur crise économique, ni leur gestion catastrophique de la crise sanitaire.

 

Premiers signataires:

Hamza Aarab, militant MIB/FSQP Montpellier Yamina Aissa Djabri, Militante des quartiers ToulouseMarion Alcaraz, juristeSabrina Ali Benali, médecin                                              Sébastien Allary, porte parole DAL/HLM Montpellier Torya Akroum, cheminoteAdil Amara Mustapha Amokrane, Zebda-motivesSalah Amokrane, militant associatifHind Ayadi, habitante de Garges les Gonesse et fondatrice espoir et créationVerveine Angeli, Union syndicale SolidairesBally Bagayoko, adjoint au maire de Saint-Denis chef de file France insoumiseManel Ben Boubaker, SUD éducation 93Omar Benderra, militant associatifFarid Bennaï, militant syndicaliste /FUIQPMohamed Bensaada, manipulateur radio et militant des quartiers populaires à MarseilleWiam Berhouma Olivier Besancenot, porte-parole NPAAhmed Berrhal, Syndicaliste CGT Ratp Wiam Berhouma enseignante militante antiraciste.Saïd Bouamama, sociologueTaha Bouhafs, journalisteSabrina Bousekkine, association Émergence Blanc MesnilYoucef Brakni, membre du comité AdamaGérard Chaouat, médecin, chercheur émérite CNRSLouise Chapa, CGT éduc’action 93Tayeb Cherfi, militant associatif ToulouseAdrien Cornet, élu CGT Raffinerie GrandpuitsAlexis Cukier, philosophe, Syndicaliste CGT                     Luc Decaster, militant associatif. ArgenteuilElisabeth Dès, pneumologue, ToulouseRokhaya Diallo, journaliste et réalisatriceVincent Duse, Syndicaliste CGT PSA Mulhouse Khalid El Hout, AJPPN Montpellier Julien Fonte, FSU Territoriale 93Sébastien Fontenelle, journalisteSimon Frenay, militant des droits humains, Saint-DenisIsabelle Garo, enseignante Julie Garnier, Oratrice France InsoumiseGaétan Gracia, Syndicaliste CGT Atelier Haute-GaronneMichele Guerci, journalisteKaddour Hadadi, artisteLawari Hadadi, AJPPN Montpellier Simon Hallet, CGT Thiolat PackagingBoualem Hamadache, SUD Conseil départemental 93Laldja Hamidouche militante associative habitante d’ArgenteuilDawari Horsfall, militant associatif, conseiller municipalVincent Huet, adjoint au maire FI de Saint-DenisDjamal Issahnane, militant CGTMuhamad Kamal, artiste. Toulouse           Fethia Kerkar militante associative d’Argenteuil.Anasse Kazib, délégué Sud Rail Hani Labidi, syndicaliste RS RATPNassim Lachelache, adjoint au maire Fontenay sous boisMathilde Larrere, historienneAude Lancelin, journaliste, fondatrice du QG Nabil LazrakPatrice Leclerc, Maire PCF de GennevilliersMustapha Mansouri, associatif Val Nord Nord d’ArgenteuilFabien Marcot, graphisteMadani Marsuk, Militant associatif Nimes Jimmy Markhoum, enseignant SNES-EE, 93Zouina Meddour, militante associative Blanc Mesnil Madjid Messaoudene, élu de Saint-DenisDanièle Obono, députée FI de ParisÉtienne Penissat, élu de Saint-DenisChristine Poupin, porte-parole NPAPhilippe Poutou, porte-parole NPAChristophe Prudhomme, médecin, hôpital Avicenne, BobignyAli Rahni, militant associatif RoubaixSandra Régol, secrétaire nationale adjointe de EELVGiovanna Rincon, militante trans féministe, directrice Acceptess-TThéo Roumier, syndicaliste et libertaireKante Sakho, Président de l’association bénévole musulman. Julien Salingue, docteur en science politiqueAïssata Seck, adjointe au maire de BondyFatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale Sud EducationPierre Serne, élu et militant de MontreuilLaurent Sorel, élu FI Paris 20e, ensembleThierry Shafauser, syndicaliste au STRASS Omar Slaouti, militant antiracisteAzzédine Taibi, Maire PCF de StainsFrançois Thiollet, responsable du projet, EELVMarie Toussaint, députée européenne EELVAssa TraoréHadama Traoré, révolutionnaireAurélie Trouvé, porte parole d’AttacFrançoise Verges, Politologue, militante féministe décoloniale antiracistePablo Pillaud-Vivien, journaliste 

Organisations:

Fédération Sud RailSyndicat CGT NeuhauserFUIQPSyndicat RS RATP                                                                            Union communiste libertaireCGT Atelier de Haute GaronneSyndicat des quartiers populaires de MarseilleCollectif Réseau Optil Collectif Stylo rouge 93Brigades de Solidarité PopulaireIle de FranceNPAAssociation d’Argenteuil bénévoles musulmansSud Éducation 93