Publié le Lundi 19 octobre 2015 à 16h01.

Oui, la classe ouvrière est capable de lutter et de construire une autre société !

Dé-industrialisation ou déruralisation ?

Plutôt que de désindustrialisation on devrait plutôt parler de déruralisation, comme le dit l’économiste M. Roberts (https://thenextrecession.wordpress.com/2014/10/21/de-industrialisation-and-socialism). Dans les pays les plus anciennement industrialisés, on passe certes de 130 à 107 millions de travailleurs dans l’industrie (- 18%), mais au niveau mondial on passe de 490 à 715 (+ 46%). C’est la paysannerie qui baisse considérablement entre les deux dates alors que la proportion de l’emploi industriel augmente de 22 à 23%. Et la CO industrielle a même augmenté plus vite que le secteur tertiaire entre 2004 et 2012. Derrière la statistique, en redéployant à l’échelle internationale l’industrie, la bourgeoisie a crée de nouvelles classes ouvrières menaçantes, en Chine et toute l’Asie… mais aussi en Turquie parfois considérée comme la « Chine de l’Europe ». La grève de 13 jours de Renault Bursa, si elle avait deux jours de plus, aurait provoqué l’arrêt l’usine de Flins. L’industrialisation de nouvelles régions peut susciter un effet boomerang et paradoxalement créer de nouvelles opportunités y compris sous nos latitudes.

« Atomisation », piège à con ?

Deux arguments sont habituellement avancés pour mettre en cause la capacité révolutionnaire de la CO. Le premier : la classe ouvrière des pays occidentaux est trop atomisée pour être capable de lutter efficacement. Et elle serait trop intégrée au capitalisme pour avoir la capacité ou même l’envie de construire une autre société.

Concernant le premier argument, on ne peut pas tirer un trait d’égalité entre degré de concentration du prolétariat et capacité à lutter et

à transformer la société. A l’époque de la Commune où les ouvriers parisiens ont littéralement inventé la dictature du prolétariat, les usines géantes n’existaient pas. A une époque où la majorité du prolétariat était à la fois peu différenciée de la paysannerie et très précaire (cf Au-delà du mythe - Retour sur la classe ouvrière et le mouvement ouvrier en France et aux Etats-Unis http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31068), des militants révolutionnaires ont été capables de construire et de diriger la CGT qui comptait plusieurs centaines de milliers de membres. Si nos aîné(e)s sont parvenus à construire de telles organisations dans des conditions à beaucoup d’égards bien plus difficiles en terme de « précarité », le problème est ailleurs.

Il suffit d’être attentifs aux luttes que mènent aujourd’hui les travailleuses en chair et en os pour se rendre compte qu’il est possible de surmonter les divisions profondes occasionnées par les nouvelles organisations du travail (précarité, sous-traitance etc). Les exemples de lutte dans des secteurs très précaires sont désormais nombreux : grèves du nettoyage aux Pays-Bas en 2010 et 2012 (les plus longues depuis les années 30…), la grève d’un an des 6000 Sans-papiers en France en 2009-10, les luttes récentes dans le secteur de la grande distribution aux Etats-Unis ou en France… On peut constater dans certains secteurs comme La Poste le début d’une tendance similaire : une partie des travailleurs a commencé à mettre en pratique des stratégies de regroupement efficaces.

Sujet politique es-tu là ?

La 2ème objection a un fond de vrai : une classe ouvrière encadrée par des syndicats au sein de démocraties bourgeoises dirigées par des classes dirigeantes puissantes donne une impression de stabilité, alors que les classes ouvrières qui naissent au milieu de la sauvagerie capitaliste sont obligées de se soulever pour défendre leurs intérêts élémentaires, comme en Chine, au Cambodge ou au Bangladesh… La brutalité de l’offensive capitaliste depuis les années 80 et les effets de l’industrialisation ont commencé à gommer les différences entre les « 3 mondes » : on constate que la dette, les privatisations, l’installation du chômage de masse ont rapproché la condition de la Grèce de celle des pays du soi-disant « Tiers-monde » et plus largement le type de questions que se posent les habitants du Caire, de Madrid, de Baltimore, du Cap… sont de plus en plus semblables (mais aussi les modes de vie, les vidéos qu’on regarde sur Youtube, les formes de lutte…), en tout cas bien moins compartimentés qu’auparavant. Peut-être que les jeunes classes ouvrières sont en train d’acquérir suffisamment d’expérience et de droits pour se mettre en position de lutter de manière bien plus hardie, tandis que les anciennes classe ouvrières perdent de leur confort et de leurs privilèges… La lutte politique pour l’indépendance de classe et pour donner une audience aux idées révolutionnaires reste largement à livrer. Mais il est très simpliste de prétendre que les conditions objectives pour que le prolétariat prenne conscience de sa force sont qualitativement plus difficiles qu’auparavant

Xavier (92)