Samedi 17 octobre, la Marche nationale des sans-papiers est arrivée à Paris. Malgré l’interdiction de manifester dans tout l’ouest parisien qui la visait, malgré la montée de tous les discours sécuritaires et racistes, malgré le couvre-feu, malgré le black-out médiatique, cela aura été la plus grosse manifestation du mouvement social depuis des mois.
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour la régularisation des sans-papiers, la fermeture des CRA, le logement pour toutes et tous. Pour l’égalité tout simplement.
Un mouvement national pour la solidarité et l’égalité
Et cette manifestation impressionnante, qui clôt l’Acte 3 des sans-papiers, ne dit pas tout. En un mois, depuis le premier départ à Marseille le 19 septembre, tout au long de la Marche, ce qui s’est révélé, renforcé, construit, ce sont des collectifs de sans-papiers, anciens et nouveaux, des réseaux de solidarité dans toutes les villes et les régions, le soutien des syndicats, principalement Solidaires, d’associations et d’ONG, un mouvement national pour la solidarité et l’égalité.
La manifestation en a parlé cependant avec la diversité de ses cortèges et la solidarité sans faille le jour de la manifestation, face au pouvoir, des syndicats de la CGT qui organisaient la marche pour l’emploi, cédant la place, sur leur trajet, à la Marche des sans-papiers. Aux journalistes qui leur ont demandé systématiquement pourquoi, ils ont répondu : « Pour nous c’est une fierté ».
Le voilà l’antidote. L’antidote à celles et ceux, en premier lieu au pouvoir, qui sèment la misère, la détresse et le désespoir et qui pavent la voie aux réponses les plus folles et tragiques. L’antidote à une société qui, sous leur politique, tourne de plus en plus sale.
Des leçons
À l’unisson du pouvoir, un quotidien national comme Libération faisait, ce lundi, des pages et des pages sur la défense de la liberté d’expression. Sans une seule ligne sur la Marche ou la manifestation de samedi, sans un mot sur toutes les entraves mises par le pouvoir à la Marche des sans-papiers. Le gouvernement a ainsi pu se pavaner, place de la République, le lendemain, comme pour effacer toute trace des sans-papiers, en se revendiquant des valeurs d’égalité et de liberté. Lui qui avait interdit, la veille, tout l’ouest parisien à toute expression « des revendications de solidarité avec les sans-papiers ».
Ce même dimanche, les collectifs de sans-papiers et les marcheuses et marcheurs, restéEs à Paris, se sont réunis en assemblée pour poser les jalons de la suite. Car malgré cette véritable démonstration, nouvelle progression du mouvement après la manifestation du 30 mai à Paris et les manifestations du 20 juin dans de nombreuses villes, rien n’a bougé du côté du pouvoir. C’est une leçon claire. Désormais il est évident que, jusqu’à l’Élysée, le message a été entendu. Nous savons que c’est à ce niveau qu’a été gérée la stratégie combinant interdiction publique du parcours final de la manifestation et pressions et négociations pour faire accepter, sans succès, publiquement à la Marche un parcours qui ne visait pas l’Élysée.
L’Acte 4 des sans-papiers va commencer
L’Acte 3 d’interpellation directe d’Emmanuel Macron s’achève ainsi. Si le pouvoir fait la sourde oreille, c’est qu’il ne veut pas entendre. Le mouvement des sans-papiers doit encore franchir un cap, en s’appuyant sur tous les liens établis, pour construire le rapport de forces capable de faire céder le pouvoir.
Il est clair que c’est un enjeu pour tout le mouvement social et, au-delà, pour toute la société. Accepter des brèches dans l’égalité, surtout quand elles visent des étrangerEs, et disons-le directement ceux et celles victimes du racisme, c’est nous condamner tous et toutes. La libération actuelle de la parole et des mesures islamophobes et contre les migrantEs en sont un signe. La légitimation de plus en plus forte de toutes les mesures liberticides en est un autre. Comme l’est l’explosion de la pauvreté et des inégalités pas uniquement pour les sans-papiers mais pour toutes les couches populaires.
Alors l’Acte 4 des sans-papiers va commencer. Il devra être plus dur mais aussi et surtout impliquer plus directement et plus fortement encore tout le mouvement social et politique.