Cet été, plusieurs mairies de villes balnéaires ont pris des arrêtés interdisant le port du burkini, un vêtement de plage couvrant l’intégralité du corps à l’exception du visage, des mains et des pieds. Les maires de Cannes, Nice, Leucate... de sept communes en tout, ont chargé la police de contrôler la tenue de femmes, leur demandant de se déshabiller sous peine d’amende...
Dans les faits, cet arrêté a permis à la police de contrôler les femmes présumées musulmanes : en plus du port du burkini, le port du hijab était aussi verbalisé. Les contrôles ne semblent pour le moment pas avoir eu un caractère massif, mais « l’affaire » a fait grand bruit. Des déclarations des maires à celles de Valls en passant par Fillon et Copé, les arguments se recoupaient : c’est pour éviter les troubles à l’ordre public et pour préserver le vivre ensemble que l’on chasserait des femmes des plages. Comment quelques femmes portant un vêtement qui ne diffère pas beaucoup d’une tenue de plongée seraient la source d’un trouble à l’ordre public ?
On aurait pu croire « l’affaire » terminée, le Conseil d’État invalidant un des arrêtés municipaux après les actions juridiques du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) et de la LDH, ce qui fera ensuite jurisprudence. Mais des pas ont été franchis cet été. Un premier, idéologique : le maire de Cannes ayant pris le premier arrêté déclarait vouloir interdire « les tenues ostentatoires qui font référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre ». Le lien est fait entre le port d’une tenue relevant de la pratique de l’islam et le terrorisme. Une déclaration de cet élu des Républicains soutenue par le Premier ministre : « Le burkini n’est pas un signe religieux, c’est l’affirmation dans l’espace public d’un islamisme politique. » En janvier 2015, après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, tous les responsables politiques de droite comme de gauche mettaient en garde contre les amalgames entre musulmanEs et terroristes. Ce n’est manifestement plus d’actualité...
Les femmes premières visées
Et ce pas, idéologique, a des conséquences, justifiant la violence et l’exclusion. Les événements en Corse, le renvoi de deux jeunes femmes musulmanes d’un restaurant à Tremblay (93) sont l’illustration de ce qui se produit quand des politiciens légitiment l’islamophobie. Mais ce qui est marquant, c’est le silence et le laisser-faire qui entourent ces actes : pas d’indignation de baigneurEs quand on demande à une femme de se déshabiller, pas de soutien pour les deux jeunes femmes humiliées publiquement dans le restaurant de Tremblay...
C’est bien là le résultat attendu des politiques racistes et islamophobes : gagner la majorité blanche de la population à la peur, à la défiance, voire à l’action violente contre un « ennemi intérieur ». Après quatre mois de lutte contre le gouvernement et sa loi El Khomri, ce même gouvernement tente de détourner la colère des classes populaires vers les musulmanEs.
Les conséquences sont graves : la stigmatisation, l’exclusion et la violence contre plus de 4 millions de personnes. Les femmes sont en première ligne, visées par les arrêtés anti-burkini comme par les lois sur le port du hijab ou de la burka. Le CCIF recense que 80 % des actes islamophobes ont pour victimes des femmes.
Pourtant, la solidarité se construit. Le CCIF est en première ligne dans le soutien aux victimes et dans la lutte juridique contre les arrêtés islamophobes. Le NPA a choisit de s’inscrire dans cette solidarité en manifestant à Leucate contre ces arrêtés et pour la condamnation des maires qui les ont pris. Un rassemblement « beach party » a aussi eu lieu à Londres, devant l’ambassade de France. Cette solidarité doit se renforcer, nous devons nous organiser pour qu’aucun acte islamophobe ne soit laissé sans réaction.