Publié le Vendredi 22 novembre 2013 à 17h51.

Droit du sol : une droite totalement décomplexée

Cela va très vite. Le 22 octobre, Copé annonce l’intention de son parti de présenter d’ici à la fin de l’année une proposition de loi prévoyant la fin de l’acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers...

Première remarque : en évoquant une prétendue automaticité, Copé ment, ou tout au moins, il feint d’ignorer que le droit du sol prévoit que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans ». Le droit du sol est donc strictement encadré.L’automaticité ne concerne que ce qu’il est convenu d’appeler le double droit du sol : « est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né » ou… le droit du sang, qui coexiste avec le droit du sol et revêt, lui, effectivement, un caractère d’automaticité dans la mesure où il veut que l’enfant né d’au moins un parent français soit Français à la naissance.L’UMP est condamnée, pour marquer sa différence avec un gouvernement ultra-droitisé en matière d’immigration, à se raccrocher aux wagons du Front national. Dès le 25 octobre, le député Guillaume Larrivé, un satellite de Sarkozy, annonce le dépôt d’une proposition de loi préconisant « des aménagements au régime du droit du sol ».

Règne de l’arbitraireL’enjeu est au moins triple, si l’on se réfère aux informations données par le Monde sur le texte déposé. En premier lieu, dans la droite ligne des politiques de tous les gouvernements successifs, il s’agit de s’en prendre à « l’immigration irrégulière ». L’article 3 (sur 4) du projet de loi prévoit donc de « supprimer le bénéfice du droit du sol pour les étrangers en situation illégale ». Dans le même esprit, l’article 4 « exclut les délinquants, condamnés à une peine d’au moins six mois de prison, du bénéfice du droit du sol ». Du grand classique donc pour les chantres du tout répressif en matière de politiques migratoires et sécuritaires. Mais ce projet comporte un autre volet, d’une toute autre portée : après avoir sacrifié à la reconnaissance de l’idée que « les enfants nés en France de parents étrangers ont vocation à devenir français » (on appréciera le recours désormais rituel, y compris à « gauche », à cette notion de « vocation », bien pratique pour refermer les portes sitôt ouvertes), l’exposé des motifs conclut que « cette voie d’accès à la nationalité française ne doit pas être ouverte à ceux qui méconnaissent le pacte républicain ». Il ne s’agit là pas seulement, avec un article premier qui  « subordonne le bénéfice du droit du sol à une manifestation de volonté », de renouer avec un dispositif qu’avait mis en place l’éphémère réforme du Code de la Nationalité de 1993 sous l’égide du tandem Méhaignerie-Pasqua. Le projet contient un article 2 qui est supposé « permettre à l’autorité publique de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française, par l’effet du droit du sol, d’un étranger qui n’est manifestement pas assimilé à la communauté française ». Le « manifestement », fondement du règne de l’arbitraire, dit tout mais, pour qu’on ne s’y trompe pas, appelle  un commentaire du dépositaire : « Le refus peut par exemple concerner une personne portant le voile intégral ». À la naissance ? Ou à 18 ans, quand il lui sera demander de manifester sa volonté de devenir Française ? Paradigme culturel du racisme d’État dans toute sa splendeur...

Racisme d’ÉtatMais, surtout, derrière tout ça,  il y a un troisième enjeu, et non le moindre. Car ce n’est pas pour rien que le F-Haine a depuis longtemps dans ses bagages une remise en cause radicale du droit du sol. On n’en sort pas : face aux modes d’acquisition de la nationalité par naissance en France (droit du sol), mariage, naturalisation, il n’y a guère que l’acquisition par filiation (droit du sang) qui s’impose sans contestation possible. Car il n’est nullement question d’imposer à quiconque serait né de « Français de souche » une quelconque condition, « manifestation de volonté » ou témoignage d’assimilation à « la communauté française ». En posant de nouveaux obstacles – et quels obstacles ! – à l’application du droit du sol, soit en creusant encore l’écart entre les enfants français à la naissance et ceux (d’un sang impur, sans doute ?), qui le deviendraient en vertu de leur naissance en France, mais sous conditions durcies, c’est bien in fine au paradigme biologique du racisme d’État que revient la droite forte et décomplexée.

François Brun