Publié le Vendredi 21 octobre 2022 à 08h00.

Extrême droite : faire face à la ligne « nationale et sociale » du RN

Alors que son congrès national approche (le 5 novembre à Paris), le FN/RN a célébré la semaine dernière le 50e anniversaire de sa fondation. L’occasion de faire le point sur la situation du parti d’extrême droite quatre mois après son entrée en force à l’Assemblée nationale.

Le microcosme soralien n’a pu s’empêcher de réagir au jubilé du Front national. La « dédiabolisation » engagée par Marine Le Pen aurait signé, d’après un article publié sur Égalité et réconciliation, « l’abandon progressif de la ligne nationale et sociale, au fond très française, chère à Alain Soral ». Vraiment ?

La « préférence nationale », toujours

La campagne au sein du RN agite toutes les chapelles d’extrême droite. Jordan Bardella, probable prochain président, rassemble au-delà des fidèles « marinistes ». L’issue de son congrès, le 5 novembre, ne modifiera cependant pas le parti. Ce sera à la fois « On continue » et « Tout commence », les slogans respectifs de Bardella et Aliot. Marine Le Pen, cheffe incontestée du groupe parlementaire, conservera son autorité. Elle incarne toujours cette figure charismatique, jalousée à l’extrême droite, qui agrège toujours plus de voix, d’élection en élection.

Le groupe parlementaire du RN se pense première force d’opposition « populo-souverainiste » contre la majorité présidentielle et « l’extrême gauche » Il s’attache surtout à décliner le programme présidentiel de Marine Le Pen. Avant de s’attaquer à l’immigration pour prétendre « rendre l’argent aux Français », le travail parlementaire du RN commence avec la natalité, « Grande cause nationale 2024 », avec l’instruction en famille et avec la priorité nationale pour les bourses d’enseignement et le logement étudiant.

Le groupe parlementaire, un point d’appui

Pour encadrer ces parlementaires, aux profils variés, souvent nouveaux venus au RN, après un passage par la « droite républicaine », un staff de technocrates avec une petite tendance « Manif pour tous ». Mais le RN a surtout embauché ses anciens candidats et candidates : une façon de se professionnaliser. Renforcé financièrement, le RN s’appuie sur ce groupe parlementaire inattendu : ouverture de permanences, et multiplication des apparitions médiatiques. Tablant sur un surcroît d’adhésions, avec une école de formation, le RN se conçoit toujours comme un parti de masse. Porté dans ses premières années par le militantisme de ses cadres, le FN doit sa pérennité à son électorat, où les classes populaires constituent un socle toujours plus important. Son prochain congrès ouvre une transformation de son appareil vers l’accession, électorale, au pouvoir.

Prendre au sérieux le RN

Il serait désastreux de tabler sur son amateurisme et les dissensions internes pour contrer cette voie. Si la dénonciation de la nature fondamentalement raciste du RN reste indispensable, l’agitation autour des « heures sombres de l’histoire », demeure souvent vaine. La riposte politique se construira sur une analyse nuancée et rigoureuse : partir du concret, des propos et pratiques réelles, directement perçues par les classes populaires ; déconstruire ce discours à partir des données historiques et du double langage perceptible ; mettre en écho avec les autres extrêmes droites, non organiquement liées mais dont les dynamiques se nourrissent. Cette riposte n’aura d’effet qu’adossée à des perspectives de rupture ­radicale avec le capitalisme.

Alors qu’une étude de la Fondapol avance que 39 % des électeurs proches de LO et du NPA se retrouvent dans les idées défendues par le RN, il est grand temps de prendre au sérieux, pour mieux la combattre, cette ligne « nationale et sociale » dont Soral est loin d’avoir l’apanage.