La ministre de la Justice a annoncé la préparation d’une loi aggravant la pénalisation des propos racistes et antisémites... Et dans le même temps, la Secrétaire d’État aux Droits des femmes, son intérêt pour un projet de loi interdisant le port du voile à l’université.
Pièces d’un « Patriot Act » français...En fait de lutte contre le racisme, le projet Taubira sera focalisé sur les délits d’opinion. La fausse solution : une justice toujours plus expéditive. Parallèlement, la fermeture de sites internet peut se faire désormais sans passer par un juge, et la lutte contre l’apologie du terrorisme entretient une panique morale. Parmi les cas extrêmes, l’interrogatoire policier d’un enfant de 8 ans, et même la prison pour des propos tenus sous l’emprise de l’alcool. La restriction des libertés est une tendance de fond...Le projet fragilisera aussi la liberté de la presse, un comble après les beaux discours du mois de janvier... Pourtant la presse défend parfois cette démarche autoritaire, citant le précédent de l’été 2014 : la lutte contre l’antisémitisme... par l’interdiction de manifestations de solidarité avec les Palestiniens de Gaza ! Et les partenaires du gouvernement jouent les pompiers pyromanes, comme le CRIF (« Marine Le Pen est irréprochable ») ou la Licra (avec la promotion de l’occupation israélienne dans les écoles).
Acharnement islamophobe, raciste et antisocialAu même moment, un député UMP propose, lui, d’interdire le voile dans les universités. Au nom des droits des femmes, le gouvernement a d’abord exprimé son intérêt, cela alors qu’une telle loi, comme bien des discriminations et agressions islamophobes, serait une attaque contre les libertés des femmes musulmanes. Par la suite, face aux critiques, Valls a déclaré que ce projet n’est pas d’actualité. Jusqu’à la prochaine occasion ?En attendant, après le succès du meeting de Saint-Denis du vendredi 6 mars contre l’islamophobie qui a réuni 600 personnes, la mobilisation continue : contre la circulaire Chatel interdisant les sorties scolaires aux mamans voilées ; contre les discriminations au travail ; contre la loi du 15 mars 2004.Quand ce gouvernement, par la voix de Valls, dénonce « l’apartheid », c’est pour encourager la spéculation immobilière tout en rendant les minorités responsables de la ségrégation qu’elles subissent. Condamnant certains propos racistes, il perpétue dans le même temps un racisme banalisé par les hommes politiques de tous bords et les médias. Par la loi et la police, l’État contribue aussi à un racisme structurel. Difficile de déposer plainte pour islamophobie. « Si la police nous protège, qui nous protège de la police ? », dit-on. On pourrait rajouter : si l’État nous protège du racisme, qui nous protège du racisme d’État ?
Ripostons !Face aux coups de com’ (et de matraque) du gouvernement, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. En soutenant l’auto-organisation des oppriméEs, construisons un front large contre le racisme, le fascisme, la violence d’État et l’impérialisme. Un front contre la poursuite d’une même politique gauche-droite, et contre les « alternatives » réactionnaires cristallisées par le FN. Le succès – encore modeste – de ce dernier parmi les minorités révèle aussi le gouffre creusé entre le mouvement ouvrier et les cibles du racisme.Comme dans l’appel à manifester le samedi 21 mars prochain, la lucidité sur l’action de l’État n’empêche pas de revendiquer de véritables réformes démocratiques : retrait des lois racistes et liberticides, droit de vote des étrangers, reconnaissance et réparation des discriminations racistes.
Mathieu Bonzom