La reprise par le Sénat, le 25 mai dernier, du projet de loi sur l’asile voté le 16 décembre par l’Assemblée nationale revient sur les rares point positifs du texte précédent...
Les sénateurs ont introduit une série de clauses répressives dont la plus significative est sans doute la délivrance automatique d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) aux demandeurs dont le recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a été définitivement rejeté. Peu importe qu’une règle aussi sauvage soit inapplicable en droit, puisque, s’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes opportunément publié pendant l’examen du projet, il ne s’agissait que de témoigner d’une détermination inébranlable à enterrer de fait le droit d’asile, dans son essence même.
Pour ce faire, il reste suffisamment d’amendements, malheureusement applicables, portant sur la notion d’« irrecevabilité » d’une demande, les délais de recours contre les transferts Dublin (soit le renvoi vers le premier pays d’Europe où le demandeur a touché terre : garde-côtes, à vos postes !), l’instauration d’un délai pour déposer sa demande, la suppression de l’accès au marché du travail au bout d’une période sans réponse de l’Ofpra... La loi sur le renseignement étant passée par là, un amendement fait la confusion entre clauses d’exclusion du bénéfice de l’asile, fondées vis-à-vis de génocidaires, de criminels, etc., et la protection de l’ordre public, si la personne a commis « des crimes graves ou représente une menace à l’ordre public ou la sécurité nationale » dont on ne sait jamais qui est en charge de les apprécier, ni comment...
Amalgames et sinistres calculs
L’essentiel est en fait de procéder à l’amalgame entre migrantEs et réfugiéEs, ce qui représente la négation même du droit d’asile dans sa spécificité et crée ainsi une brèche quant à sa représentation dans laquelle les médias n’hésitent pas à s’engouffrer. Car en dépit de la présentation de deux projets de loi séparés, l’un sur l’asile et l’autre, retardé, sur les conditions d’entrée et de séjour des migrantEs, c’est très exactement la même logique qui préside aux deux textes : celle, triple, du soupçon, de l’exclusion et de la répression.
En recourant à des notions telles que « l’explosion des demandes d’asile », on tend forcément à la négation d’un droit qui, par définition, relève de situations individuelles générées par des situations générales et non de chiffres : quand les guerres sont là, elles sont là ! Les flots d’exiléEs suivent. Évoquer sans cesse les « abus » relève de la traque obsessionnelle de la fraude, uniquement de la part des dominéEs, bien entendu... De même avec une autre obsession majeure : celle du « coût constant », qui apparaît tant dans les « dysfonctionnements » du versement de l’allocation due aux demandeurs, la « saturation » des dispositifs d’hébergement, ou l’insuffisance criante des moyens en personnel de l’Ofpra, ralentissant d’autant le traitement des dossiers. Sans parler de l’ignoble maquignonnage sur le nombre de réfugiéEs que la France est prête à accueillir.
Ce nouveau texte est une aubaine pour le ministère de l’Intérieur qui va pouvoir reprendre la main lors d’un nouveau passage à l’Assemblée, faute probable d’accord de la commission mixte Assemblée/Sénat. Les associations de défense du droit d’asile, elles, n’ont plus que deux mois pour empêcher le vote de cette loi. C’est beaucoup, car elles y sont quasiment toutes opposées. C’est peu, car il leur reste à construire une expression collective forte, la mobilisation unitaire et le rapport de forces qui font défaut depuis plus d’un an.
Maria Puccini