Publié le Mercredi 2 septembre 2015 à 11h11.

Thalys Bruxelles-Paris : racisme à grande vitesse

L’attaque du Thalys par un pauvre type nommé Ayoub el-Khazzani né au Maroc il y a 26 ans est éclairante sur les dégâts d’un monde en décomposition...

Des études arrêtées à 12 ans, de petits trafics de drogue (« “Il vendait du haschisch de temps en temps comme beaucoup, pour se payer à manger, régler le loyer, mais ce n’était pas un trafiquant”, affirme Mohamed, un maçon qui le fréquentait à l’époque », d’après le Parisien), des tentatives d’émigration dans divers pays d’Europe, la précarité la plus totale... Son frère, trésorier de mosquée, pense que « Ayoub a pu devenir fou ».

On ne sait toujours pas ce qui a poussé ce jeune homme à sortir une kalachnikov à bord du train Amsterdam-Paris, mais il était en tous cas le coupable idéal pour une nouvelle entreprise islamophobe et sécuritaire. Car, les médias nous le rappellent régulièrement, un blanc qui tue des gens est un fou isolé, tandis qu’un Arabe qui sort une kalachnikov est un djihadiste lié à des réseaux internationaux…

Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports, a déclaré qu’il fallait « qu’on discrimine pour être efficace plutôt que de rester spectateur ». Ancien membre du Bureau national du Parti socialiste, Vidalies n’est pourtant pas un débutant. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a défendu son collègue : « bien sûr que non, il n’a pas dit une bêtise ». Et du côté de Valls et Hollande, silence radio...

Et la machine s’emballe…

L’objet de ces discours est de réduire les libertés sous prétexte de risques d’attaques terroristes. Le gouvernement a en effet mis en place des « contrôles aléatoires », une négation d’un principe démocratique de base, la présomption d’innocence. Avec les contrôles aléatoires, tout le monde est présumé coupable ! « Chacun qui prendra le train doit savoir […] qu’il peut être l’objet d’un contrôle aléatoire de l’ensemble de ses bagages »...

De son côté, la SNCF transforme le 31 17, numéro de téléphone dédié aux « incivilités », en numéro d’alerte terroriste. Le ridicule de la situation (« allo bonjour, un type est entré dans les toilettes avec une valise, je pense que c’est un terroriste ») prêterait à rire si l’amalgame entre incivilités et terrorisme ne donnait pas la nausée.

D’autant que, les syndicats le rappellent, le problème est plutôt que la SNCF souhaite supprimer 10 000 postes d’ici 2020, alors que de plus en plus de TER et de TGV circulent avec peu ou pas de contrôleurs, qui sont pourtant les mieux à même de discuter avec les voyageurs ou d’anticiper des comportements à risque.

Le ministre de l’Intérieur belge, lui veut carrément ficher tous les voyageurs par trains et bateaux, en plus de ceux des avions. Tant qu’à faire…

À société en décomposition, réponse antidémocratique

La classe dominante organise une psychose autour d’événements provoqués par des personnes fragiles, peut-être de plus en plus nombreuses du fait des conditions de vie de plus en plus difficile. Sur la base de cette psychose, chaque décennie voit passer une nouvelle loi réduisant les libertés : LSQ, LSI, loi sur le renseignement…

Il n’y a pas de « fascisation de la société », parce que le fascisme est quelque chose de particulier dans ses dynamiques sociales, son caractère de masse, sa violence contre le mouvement ouvrier organisé... Mais force est de constater que les États sont de plus en plus autoritaires, que les préjugés et le racisme se développent. Jusqu’à quand ?

Antoine Larrache