C’est donc une agression à l’arme blanche dans les rues de Villeurbanne qui a servi de énième prétexte à un déchaînement raciste et anti-migrantEs. L’auteur de l’agression, qui a fait un mort et huit blessés, est un Afghan de 33 ans, demandeur d’asile et bénéficiaire d’une « protection subsidiaire ». Il n’en fallait pas plus pour que les racistes de tout poil, extrême droite en tête, se jettent comme des vautours sur ce fait divers tragique pour déverser leur haine, comme si la nationalité et le statut de l’agresseur avait un quelconque rapport avec l’agression.
Les amalgames se sont ainsi multipliés. Pour Jordan Bardella, tête de liste RN aux Européennes, « l’attaque de Villeurbanne clôture un été durant lequel se sont multipliés en Europe meurtres, viols et agressions impliquant des migrants. » Marine Le Pen affirme, quant à elle, que « la naïveté et le laxisme de notre politique migratoire menacent gravement la sécurité des Français ». Et le RN de demander « un moratoire sur l’immigration massive dans notre pays ».
On croit rêver, ou plutôt cauchemarder. Car la surenchère raciste et anti-migrantEs à laquelle se livre l’extrême droite est, paradoxalement, le pendant des politiques anti-immigration du gouvernement. Le RN lui-même ne peut en effet croire à ses accusations de « laxisme » en matière migratoire, lorsque l’on connaît le traitement que la France inflige aux migrantEs, de l’enfermement aux expulsions en passant par les contrôles aux frontières et la bunkerisation de l’Europe, sans même parler de la criminalisation de la solidarité.
On n’a pas été surpris, dès lors, d’entendre la ministre de la Justice Nicole Belloubet affirmer « en même temps » que Marine Le Pen exploite le drame de Villeurbanne, tout en cherchant à se justifier : « S’il y avait laxisme, nous n’aurions pas autant de détenus en France ». En d’autres termes, se situer sur le terrain du RN en adoptant un langage de « fermeté »… sur lequel l’extrême droite pourra de nouveau surenchérir.
Face à ce petit jeu malsain et dangereux, l’intransigeance doit être de mise : pour l’ouverture des frontières, pour l’accueil des migrantEs, pour la régularisation des sans-papiers, pour l’égalité des droits. Des principes élémentaires qui sont aujourd’hui autant de digues pour ne pas être submergé par la vague menaçante que constitue l’installation, dans le paysage politique, du tête-à-tête mortifère entre Macron et Le Pen.
Julien Salingue