Publié le Mercredi 21 octobre 2020 à 12h41.

Le 15 mars 1928, de Takiji Kobayashi

Éditions Amsterdam, 128 pages, 12 euros.

L’Anticapitaliste a déjà eu l’occasion de rendre compte de deux des romans de Takiji Kobayashi : le Bateau-usine (1929) qui décrit un groupe de marins et d’ouvriers embarqué sur un bateau pour pêcher des crabes et en faire des conserve et le Propriétaire absent (également publié en 1929) que l’auteur a dédié aux fermiers et paysans pauvres. Le Bateau-usine qui, en raison de la censure, n’a pas été publié intégralement en japonais avant 1948, a connu une destinée posthume fulgurante en 2008 dans le Japon de la crise économique avec près d’un million d’exemplaires vendus en quelques mois et une adaptation en manga. Le livre de Kobayashi interpelle une jeunesse soumise à un travail pénible et précaire dans un contexte d’inégalités croissantes.

Histoire d’une répression politique d’ampleur

Le 15 mars 1928 est aussi un roman avec des personnages de fiction mais est plus proche d’un reportage. Le 15 mars 1928, le Japon connait une sorte de contre-­révolution préventive. Aux élections de février 1928 (les premières au suffrage universel masculin, le Parti communiste clandestin n’a pu se présenter ouvertement mais a soutenu des partis légaux. Ceux-ci n’ont obtenu que 8 sièges sur 441 mais l’influence du PCJ augmente, notamment dans les syndicats. Le gouvernement et la police politique décident de frapper : plus de 1 600 sympathisantEs socialistes et communistes ou syndicalistes sont arrêtés. 500 d’entre elles et eux passent en procès et sont condamnés, et diverses organisations accusées de connivence avec le PCJ sont dissoutes.

Le 15 mars 1928 se déroule dans la ville d’Otaru à Hokkaïdo (la grande île septentrionale du Japon) où, à ce moment, vit Kobayashi. Il raconte les rafles de la police politique chez les militantEs et au local syndical. Le romancier donne une vraie consistance à ses personnages : les ouvriers, l’ex-instituteur, le diplômé… Certains sont impulsifs, d’autres réfléchissent plus. Ce ne sont pas des surhommes, ils n’ont aucune prédisposition à l’héroïsme. Apparaissent aussi, même si c’est de façon secondaire, des personnages de femmes et d’enfants. Les militants arrêtés sont interrogés interminablement et torturés. Diverses questions sont abordés par petites touches : les rapports entre les militants-hommes et leurs compagnes, ceux entre les militants ouvriers et leurs camarades, employés de bureau et intellectuels… Et même les états d’âme des policiers de base.

Un des personnages, le diplômé Sata, est employé de banque comme Kobayashi. Il n’est pas torturé et sera libéré. En février 1933, le romancier, devenu militant communiste clandestin, connaitra un destin différent : arrêté, il mourra sous la torture. Malgré les marques évidentes, aucun hôpital n’acceptera d’autopsier son corps et de risquer de démentir les assertions de la police, selon lesquelles il était décédé d’une attaque cardiaque.

À lire également :
Le Bateau-usine, éditions Allia, 8,50 euros.
Le Bateau-usine, version manga, éditions Akata, 7,95 euros.
Le Propriétaire absent, éditions Amsterdam, 13 euros.