Les mobilisations massives pour le climat invitent à mener le débat sur les solutions pour enrayer la catastrophe. Il y a un gouffre entre la gravité et l’urgence de la situation et la difficulté à envisager des mesures à la hauteur. ChacunE voit bien que la somme des changements de mode de vie individuels ne suffira pas, que des choix politiques globaux sont indispensables.
Conjuguer radicalités sociale et écologique
Certaines propositions comme le Pacte finance-climat de Anne Hessel, Jean Jouzel et Pierre Larrouturou ou la proposition de « loi spéciale sur le climat » en Belgique cherchent à donner des réponses « raisonnables » et accessibles. Le Pacte propose que la création monétaire soit mise au service de la lutte contre le dérèglement climatique au lieu d’alimenter la spéculation et donc le risque d’une nouvelle crise financière ainsi que de créer une Contribution climat, c’est-à-dire un « impôt européen sur les bénéfices (de l’ordre de 5 %) pour permettre de dégager un vrai budget pour investir dans la recherche et lutter contre le réchauffement climatique, en Europe, en Afrique comme dans tout le pourtour méditerranéen ». Il demande « aux chefs d’État et de gouvernement de mettre en œuvre au plus vite une politique européenne qui dépasse les clivages traditionnels, mette la finance au service du climat et de la justice sociale ». Quant à la proposition de loi en Belgique, dans la version rédigée par des universitaires et pire dans la version modifiée par ses défenseurs politiques (à commencer par les Verts Ecolo et Groen) qui en ont réduit les ambitions (de 65 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 à 55 %), elle demeure dans le sillage des Accords de Paris et sa seule ambition est de « mettre la Belgique en phase avec la politique climatique de l’Union européenne ». Les deux propositions passent allègrement sur le fait que les règles et les traités de l’Union européenne sont ceux « d’une politique néolibérale basée sur les dogmes de la croissance, de la libre concurrence, du profit… et des relations néocoloniales avec les pays du Sud global », comme l’a rappelé notre camarade Daniel Tanuro.
Aux États-Unis, la gauche et en particulier Alexandria Ocasio-Cortez, défend un Green New Deal pour une « décarbonisation » rapide et radicale de l’économie en la liant à « l’élimination de la pauvreté » et « l’atténuation des inégalités fondées sur la race, la région et le sexe ». Ce plan représente une rupture majeure, en écartant les « solutions » de marché, même s’il ne pose ni la question de la décroissance de la production matérielle et des transports, ni celle de la dette climatique des États-Unis.
L’urgence climatique et l’urgence sociale imposent de conjuguer radicalités sociale et écologique, d’assumer l’indispensable suppression des productions et transports inutiles et nuisibles, de défendre la réduction radicale du temps de travail sans perte de salaire, la reconversion des salariéEs avec maintien des conquêtes sociales, la socialisation des secteurs essentiels pour une production décidée et gérée démocratiquement pour répondre aux besoins dans le respect des limites écologiques ...
Naomi Klein a raison de présenter « les enjeux climatiques comme une guerre entre le capitalisme et la planète » et d’en tirer la conclusion que « le défi ne consiste pas simplement à investir de fortes sommes et à revoir quantité de politiques ». Effectivement, « ce qu’une crise d’une telle ampleur a de particulier, c’est qu'elle change tout. »