Publié le Mercredi 7 avril 2021 à 11h49.

Dix-huit mois après son crime, Lubrizol tente d’éviter son procès pénal

Le 26 septembre 2019, les habitantEs de Rouen et de son agglomération se réveillaient sous un immense panache de fumées. Dans la nuit, près de 10 000 tonnes de produits chimiques ont brûlé. Malgré les propos rassurants du ministre Castaner et du préfet local, les faits sont là : le nuage comprenait bel et bien des composants cancérogènes, et des débris des toitures amiantés ont couvert une partie de la ville. Mais 18 mois après, Lubrizol essaie d’éviter son procès pénal.

Lubrizol essaie d’échapper à la justice en demandant l’annulation du procès-verbal d’infraction, établi par deux inspecteurs de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), et de sa mise en examen. Avant de se rétracter la veille de l’audience qui s’est tenue le 31 mars devant la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris, l’entreprise demandait carrément la nullité de l’ensemble de l’enquête de flagrance et de l’enquête préliminaire.

« Pression médiatique, politique et populaire »

Pour l’avocate de Lubrizol, le contexte post-incendie avec une « pression médiatique, politique et populaire », en citant notamment les slogans des manifestantEs comme « Lubrizol coupable », aurait poussé les deux inspecteurs de la DREAL à faire acte de « déloyauté », de « partialité », et d’« erreurs », ce qui violerait les droits de la défense de la puissante multinationale. Ainsi, les deux délits et 11 contraventions ayant fait l’objet d’un procès-verbal relèveraient presque de l’imaginaire !

Déformant les réponses de l’inspecteur de la DREAL auditionné début octobre 2019 par les services de police, Lubrizol sous-entend que les deux inspecteurs auraient reçu des pressions de leur hiérarchie (sans viser nommément le préfet ou l’ex-ministre de l’Environnement Élisabeth Borne…) Pour étayer cette hypothèse, Lubrizol a transmis quelques jours avant l’audience trois attestations de cadres de l’entreprise affirmant avoir entendu un des deux inspecteurs indiquer être en désaccord concernant plusieurs infractions ! Pour résumer, Lubrizol ne comprend pas que le torchon brûle après avoir entretenu des rapports de connivence avec la DREAL et la préfecture avant l’incendie !

Lubrizol essaie de gagner du temps

Manifestement, les arguments de Lubrizol n’ont pas convaincu le parquet général qui a conclu au rejet de la requête. Les parties civiles, représentant notamment les syndicats et associations, ont pu facilement démontrer qu’aucun élément ne justifiait de faire droit à leur demande.

Manifestement, cette requête est vouée à l’échec, comme cela devrait être confirmé lors du délibéré du 30 juin. Cependant cela aura permis à Lubrizol de gagner du temps en retardant les investigations et en reculant la programmation du procès pénal, espérant sans doute que les habitantEs auront alors oublié le crime industriel du 26 septembre 2019.

Si le ministère de l’Environnement a pris quelques mesures après l’incendie concernant les stockages de produits dangereux, le compte n’y est pas et les industriels, à Rouen comme ailleurs, continuent à jouer avec la vie des travailleurEs et des riverainEs. Il nous reste à construire un mouvement d’ensemble pour organiser une résistance populaire contre les risques industriels. Les initiatives de mobilisation de septembre prochain pour les 20 ans de l’explosion d’AZF et les deux ans de l’incendie de Lubrizol peuvent y contribuer.