Le dimanche 27 septembre, 3000 personnes ont manifesté à Hillion, dans les Côtes-d’Armor, contre les algues vertes, qui infestent les plages de la commune. Nous avons rencontré André Ollivro, porte-parole de l’association « Halte aux marées vertes ».
Tu as été le premier président – fondateur – de l’association « Halte aux marées vertes »...
En 2001, nous nous sommes dit qu’il fallait agir, créer une mobilisation populaire au travers de nombreuses initiatives de type théâtre de rue... Pour faire un diagnostic, nous avons rencontré toutes les structures qui s’occupent de l’eau, et nous avons constaté que tous savaient déjà ! La prolifération des algues vertes provient à 95 % des excédents de nitrates issus de l’élevage intensif, constat qui ressort d’un colloque des pollutions, dès 1999, confirmé depuis par Ifremer1.
Nous avons alors déposé un recours contre le préfet au tribunal administratif, car les lois sur l’eau n’étaient pas respectées. Avec plusieurs autres associations qui se battent contre le même fléau (à Douarnenez, dans le Trégor...), nous avons pointé et chiffré les dommages : la perte d’image, la privation de l’espace ludique, le repli des personnes vers d’autres rivages, les dommages sanitaires et leurs coûts sociaux... Et nous avons gagné ! L’État est désigné en 2007 comme responsable, car la potabilité n’est pas garantie.
Le taux de 50 milligrammes de nitrates par litre est dépassé (alors que l’Europe préconise de ne pas dépasser 25 mg). Mieux encore, le jugement précise que pour en finir avec les algues vertes, il faudra revenir à des taux encore nettement plus bas, de l’ordre de 10 à 15 mg...
Nous avons même gagné définitivement, car l’État renonce à faire appel. Après ce qui s’est passé cet été, il leur était difficile de faire autrement ! Un cheval est mort – et le cavalier a eu chaud – sur la plage de Saint-Michel-en-Grève, dans le Trégor, ce qui a provoqué la visite de Fillon sur le site. Tout le monde reconnaît maintenant le danger des algues vertes, que nous dénonçons depuis si longtemps ! En décomposition, elles dégagent des émanations de gaz extrêmement toxiques (DMS et H2S2, connu pour son odeur d’œuf pourri). L’affaire tourne au drame avec le décès cet été, dans des conditions suspectes, d’un conducteur de camion préposé à l’enlèvement des algues sur les plages.
Quelle est la réaction des pouvoirs publics ?
On nous a envoyé Fillon le 20 juillet... et le 21, le préfet des Côtes-d’Armor permettait l’implantation d’un poulailler industriel de 80 000 têtes, avec autorisation d’épandage sur le bassin versant, notamment à Hillion !
Quelle est la responsabilité de l’élevage industriel ?
Il est inconcevable de continuer de mettre sur les champs les déchets de l’élevage industriel, qui provoquent d’énormes excédents de nitrates, à l’origine des algues vertes. Mais en plus, avec tout ce que l’on donne aux animaux dans ces exploitations, antibiotiques, aliments, on retrouve sur la terre de nombreux composants chimiques toxiques, des métaux lourds... Les grands groupes agroalimentaires, les coopératives agricoles, l’industrie chimique, tous ensemble, portent la responsabilité de ces pollutions, avec l’aval de la FNSEA. C’est tout ce système qui ne vise qu’à faire du fric sur le dos des éleveurs, des consommateurs et des citoyens.
Quelles sont les solutions ?
Il faut faire baisser radicalement les taux de nitrates, contrôler la qualité de l’eau, faire réinstaller sur les cours d’eau les capteurs qui ont été supprimés. Il faut « remettre les cochons sur la paille et les vaches sur l’herbe » !
Il faut développer une agriculture paysanne, aider les productions bio et durables, produites et commercialisées localement, inciter à la reconversion, interdire les épandages sur les bassins versants. On doit aussi s’occuper de la collecte et du traitement des déchets de l’élevage, créer des stations de raffinage, qui, au bout du compte, ne génèrent que du compost sain. Pour maîtriser la qualité de l’eau, il faut municipaliser les abords des captages, préempter les terres des bassins versants : on sait le faire pour préserver les sources d’eau minérale ! Pour tout cela, il faut une vraie volonté politique...
Et la mobilisation ?
On s’attend à quelque chose d’important le 27 septembre. Le rapport de forces a changé, l’écho médiatique suscité par les évènements de l’été, l’approche des élections, tout cela provoque comme un vent de panique chez les « autorités ». Reste à installer un mouvement durable qui bouleverse les choses sur le fond.
* Titre de l’ouvrage d’André Ollivro, Éditions du Temps, 17€.
1. Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer
2. H2S : sulfure d’hydrogène ; DMS : sulfure de diméthyle