Jean-Louis Borloo a laissé le soin à Chantal Jouanno, sa secrétaire d’État à l’Écologie, de défendre devant l’Assemblée nationale son projet de loi. On est loin des élans lyriques d’il y a dix-huit mois lors de l’adoption du Grenelle 1. "L’environnement, ça commence à bien faire ». Ces fortes paroles prononcées par Sarkozy à l’occasion du dernier salon de l’agriculture ont exprimé les réticences voire l’hostilité d’une bonne partie de la droite et de son électorat à l’écologie, même sous la forme du capitalisme vert. Chantal Jouanno, en disgrâce après s’être dite « désespérée » de l’abandon de la taxe carbone, au lendemain de la déroute des régionales, est mise en première ligne pour affronter la méfiance de l’UMP. Sous la pression des lobbies pétrolier, nucléaire ou anti-éolien, ils se sentent encouragés par les propos de Sarkozy à exprimer leurs véritables opinions. Le PS ironise, « on va être obligé de soutenir la ministre contre sa majorité »... Avec 250 articles et 1 600 amendements déposés, la loi Grenelle 2 se voulait l’ultime étape de mise en œuvre d’un new deal écologique dont se vantait Sarkozy. Le texte, déjà adopté par le Sénat, survient dix-huit mois après l’adoption, à la quasi-unanimité du Parlement, de la loi Grenelle 1 qui fixait les orientations dans six domaines : bâtiment, transports, agriculture bio et biodiversité, gestion des déchets et gouvernance de l’environnement. Borloo parlait alors d’un « monument législatif », le bluff se révèle bien plus monumental. « La magie du Grenelle » se résume à une addition de mesures techniques sans portée, de réglementations, une « boîte à outils » disent les Verts, un bricolage bien incapable d’apporter des réponses. Pour cela il faudrait oser s’attaquer aux intérêts financiers, ceux de l’agro-industrie en particulier, que le gouvernement est là pour servir. « Nous ne voulons pas d’une agriculture qui épuise nos sols, d’une agriculture qui utilise de façon croissante des produits chimiques dangereux », avait déclaré Sarkozy en 2007. Tout cela est oublié et l’objectif de la réduction de 50 % de l’utilisation de pesticides d’ici 2018 est abandonné. L’énergie éolienne est aussi visée : le projet de loi Grenelle 2 va empêcher la réalisation de 70 % des projets en cours. L’objectif du Grenelle 1 de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie primaire en 2020 ne sera qu’un souvenir. Le plaidoyer de Chantal Jouanno est significatif des réelles préoccupations non écologiques du gouvernement : « Il ne faut pas non plus qu’on freine une filière qui peut être une filière de reconversion pour des outils de sidérurgie par exemple. » Et d’argumenter : « On ne voit pas que derrière le Grenelle, il y a surtout la volonté de réduire notre dépendance à l’énergie, donc de réduire la facture énergétique. […] Aujourd’hui, ce sont des investissements, mais des investissements nécessaires et ce sont des emplois. Il y a quand même derrière le Grenelle 600 000 emplois. » L’écologie, ça commence à bien faire mais oui au capitalisme vert comme réponse à la crise économique... Depuis le fiasco de la conférence de Copenhague sur le climat en décembre, « l’écolo-sceptiscime » repart à l’offensive, préparant le terrain pour le dernier acte de la comédie du Grenelle, l’acte législatif.Yvan Lemaitre
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