Trois ans après le lancement du Grenelle de l’environnement, le gouvernement a commandé un bilan d’étape à un comité d’expert. Bilan satisfaisant pour le gouvernement et très décevant pour les associations écologistes. C’était prévisible et les associations qui à l’époque ont joué le jeu du Grenelle de l’environnement doivent bien le reconnaître aujourd’hui. Dans son contre-rapport1, le Réseau action climat France souligne que « les petites avancées que le gouvernement affiche ne doivent pas masquer l’absence criante de mesures de rupture, structurantes et réellement efficaces ». Greenpeace, qui avait été bien impliqué dans le processus institutionnel, déclare maintenant que « l’environnement est avant tout une tactique électorale, et l’opportunisme politique de Nicolas Sarkozy sans bornes ». Est-ce une façon pour certaines associations de reconnaître que la méthode de concertation « hors sol » du Grenelle, faisant fi des rapports de forces entre protection de l’environnement, intérêts des salariés et pressions du patronat, n’est pas la bonne façon de faire avancer les causes écologistes ? Le ministère Borloo a fait appel à des personnalités ayant piloté des comités opérationnels du Grenelle pour faire cette évaluation ainsi qu’au cabinet Ernst&Young spécialisé dans le « business environment » c’est-à-dire le conseil aux entreprises pour augmenter leurs profits. Le ministère a même eu recours à un sondage Ifop plutôt orienté, demandant par exemple aux personnes interrogées si elles pensent que le développement des énergies renouvelables est une bonne chose... score soviétique assuré ! Le bilan fourni est purement quantitatif : parmi les 268 engagements initiaux, 18 % sont considérés comme totalement réalisés, 59 % en cours de réalisation, 19 % engagés mais nécessitant une réorientation ou une remobilisation et 4 % devant être revus. Dans les réalisations dites effectives, il y a une longue liste d’installations de comité de pilotage, d’instances de réflexion, d’appels à projets, de signatures de chartes et convention, de créations d’agence. Il faut y ajouter les mesures qui ne sont en fait que des transpositions en droit français de directives européennes. Même l’obtention d’un pseudo-accord international sur le climat à Copenhague est mise au crédit du Grenelle, décidément, il faut oser ! Mais l’analyse sur le fond est évidemment plus critique. Les mesures mises en avant sur l’isolation des logements ne concernent en réalité que les logements neufs qui ne représentent chaque année que 1 % du parc français. Il faut également dénoncer ce qui figure dans les « acquis » du Grenelle comme la relance des grands projets d’infrastructures sur les lignes à grande vitesse, le canal Rhin-Rhône2, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Sans parler de la promotion des agrocarburants, des énergies fossiles et du nucléaire. Autant de projets écoprédateurs que le rapport cherche à verdir de manière grossière. Une des mesures législatives prévoit qu’en matière d’infrastructures, les décisions non respectueuses de l’environnement devront apporter la preuve qu’une décision alternative plus favorable à l’environnement est impossible à un coût raisonnable. Mais ce « coût raisonnable » sera-t-il pour les capitalistes ou pour les générations futures ? Laurence Lyonnais1. Réseau action climat France www.rac-f.org2. Projet controversé de mise en gabarit de la Saône et du Doubs ayant de fortes conséquences hydrauliques et écologiques. À lire : Grenelle de l’environnement, l’histoire d’un échec de Stephen Kerchove, éditions Yves Michel.Grenelle de l’environnement, la supercherie écologique de Jean Christophe Mathias, éditions Sang de la terre.
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