Publié le Vendredi 20 juin 2025 à 15h00.

La croisière, produit toxique du capitalisme

Le secteur des croisières incarne une synthèse des logiques capitalistes les plus destructrices : concentration, marketing de luxe, impunité fiscale et catastrophe écologique. Loin du rêve vendu par l’industrie, c’est un cauchemar pour la planète.

Le secteur de la croisière est un exemple de structure hautement capitalistique. En apparence très diversifié, il est en réalité dominé par quatre groupes mondiaux : Carnival (38 % du marché), Royal Caribbean (24 %), MSC (12 %) et Star Cruises (11 %). La capacité totale de la flotte dépasse un million de passagers, et le nombre de croisiéristes a plus que doublé en dix ans.

Cette croissance repose sur la multiplication d’offres bon marché. Elle met en scène une marchandise immatérielle, ostentatoire, destinée aux classes moyennes et petites-­bourgeoises, qui vivent le temps d’une traversée dans un luxe inaccessible au quotidien. Cette marchandise qui joue sur l’imaginaire est fortement convoitée.

Pollution permanente, rêve empoisonné

La croisière détruit l’environnement et pollue. À bord, c’est une gabegie énergétique. La consommation d’électricité est massive pour recréer l’univers d’un palace flottant dont les équipements tournent en permanence. En mer comme à quai, les navires émettent d’énormes quantités de dioxyde de carbone, d’oxydes d’azote et de soufre. 

À titre de comparaison, un paquebot peut polluer autant qu’un million de voitures. Chaque passager émet en moyenne 390 grammes de CO₂ par kilomètre parcouru, soit 2,4 fois plus qu’un passager en avion. Le recours au gaz naturel liquéfié (GNL), présenté comme une alternative verte, est une fausse solution : sur 20 ans, son effet de serre est 80 fois plus puissant que celui du CO₂. 

À cette pollution de l’air s’ajoute celle de l’eau : eaux usées non traitées, déchets, métaux lourds... Les paquebots fragilisent durablement les écosystèmes marins. La fiscalité de ce secteur est injuste et inadaptée aux enjeux écologiques.

Ports asphyxiés, résistances locales

Marseille et Le Havre figurent parmi les trente ports les plus pollués d’Europe. Dans les zones portuaires, la concentration en particules fines est jusqu’à 20 fois plus élevée qu’ailleurs en ville. Des collectifs se mobilisent contre l’industrie des croisières. Au Havre, la contestation vise l’installation d’un nouveau terminal électrifié. Théoriquement plus propre, ce terminal n’oblige pas encore les navires à s’y connecter. Cela ne sera exigé qu’à partir de 2030.

Pour Édouard Philippe, maire du Havre, ce projet serait « l’ADN de la ville », en référence au passé transatlantique et au paquebot France. Mais cela revient à ignorer l’urgence climatique et la nécessité de réduire toutes les consommations d’énergie, y compris électriques. À l’inverse de la consommation raisonnable de ce qui est suffisant, ces monstres d’hubris offrent aux consommateurs un moment d’apothéose divine et ne font aucun cas des conséquences destructives pour la planète.

CorrespondantEs au Havre