Publié le Vendredi 7 octobre 2022 à 12h00.

Le jet ski ou le Canadair ? Quelle gestion pour les forêts ?

Fini le temps de l’insouciance et de l’abondance, le reflet des flammes dans les Ray-Ban, il va falloir changer de politique, changer de système.

Un sujet dont on a parlé tout l’été : les incendies de forêts, avec près de 70 000 hectares partis en fumée, contre 7 000 en moyenne les années antérieures. Les forestierEs de l’Office national des forêts parlent de péril pour les forêts et de mise en danger délibérée depuis plus de vingt ans : en effet l’établissement a perdu près de quatre emplois sur 10.

Il faut augmenter les effectifs de l’ONF

Le coup de chaud incendiaire de cet été sur l’ensemble du territoire du sud au nord ne change en rien la direction choisie par le gouvernement : le contrat en cours avec l’État (2021-2025) entérine la suppression de 500 emplois. Rien d’étonnant venant d’un gouvernement condamné le 14 octobre 2021 par le tribunal administratif de Paris pour inaction climatique. Souvenons-nous que la Convention citoyenne pour le climat avait à juste titre proposé d’augmenter les effectifs de l’ONF.

Dans ce qu’on appelle le « régime forestier », ensemble des règles de protection et de gestion durable des forêts, il existe une mission d’intérêt général (MIG) financée par l’État : la Défense des forêts contre les incendies (DFCI). L’ONF est l’un des principaux acteurs de la prévention des risques d’incendie. Cette prévention s’applique actuellement uniquement dans le sud de la France. Mais concrètement, avec les feux en Bretagne et dans le Jura, cette prévention et ce savoir-faire doivent s’étendre à l’ensemble du territoire. D’ailleurs, au sein même de l’État, des préfets ont sonné l’alerte, se sentant désarmés face à ce risque accru des feux et le manque de moyens récurrent.

Darmanin et ses « gendarmes verts »

Merise — fruit du merisier espèce forestière proche du cerisier — sur le gâteau, un véritable sketch : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui trouve toujours une solution sécuritaire pour sortir de l’ornière, propose 3 000 postes de « gendarmes verts » qui devraient être créés pour lutter contre les départs de feu volontaires en forêt. Patrice Martin, représentant syndical du SNUPFEN Solidaires à l’Office national des forêts, la juge étonnante : « À part faire de la communication... on ne voit pas ce qu’il y a dedans. [...] Les feux de forêt, le meilleur moyen de lutter contre, c’est qu’il n’y en ait pas. À aucun moment il n’est sur la prévention, et ça c’est absolument catastrophique. »

Afin de « rétablir la confiance », l’Élysée a choisi une nouvelle Directrice générale de l’ONF : Mme Valérie Metrich-Hecquet. Elle est très motivée et a un CV gratiné. Elle a participé et validé les choix politiques antérieurs du ministère de l’Agriculture — dont la suppression de 2 000 emplois depuis 2014 à l’ONF. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle maîtrise le sujet du manque de moyens et de la mise en danger des forêts et du personnel…

« Un des principaux amortisseurs des crises climatiques »

De même, les forestierEs le savent : pour faire face au changement climatique, c’est l’ensemble de la gestion forestière qu’il faut rénover, le modèle économique de l’ONF n’est pas tenable, la production de bois va inexorablement se réduire. La préservation des écosystèmes forestiers et des modèles de sylviculture plus extensifs doivent être mis en avant.

Désabusés, les travailleurEs forestiers de l’ONF regroupés en intersyndicale ont mené plusieurs actions auprès de la justice pour inverser la donne :

– Fin 2021 : plainte pour mise en danger de la vie d’autrui à la suite des décisions de suppression d’emplois, une mise en danger des personnels de l’ONF ;

– 22 juin 2022 : recours devant le tribunal administratif de Paris visant à l’annulation du contrat État/ONF 2021-2025 qui n’est pas à la hauteur des besoins. « Par leurs capacités exceptionnelles à stocker le carbone que nous émettons, à protéger la biodiversité et l’eau que nous buvons, nos écosystèmes forestiers sont et seront un des principaux amortisseurs des crises climatiques. […] Pourquoi réduire encore les moyens du service public en charge de les protéger notamment contre les incendies de plus en plus nombreux dans notre pays ? », soulignent les requérants.