La firme américaine Monsanto (liée à l’allemand Bayer depuis qu’elle a été rachetée par celui-ci) est le géant de la chimie agricole. Un de ses produits les plus vendus est l’herbicide Roundup qui contient du glyphosate, une substance que le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé en 2015 « cancérigène probable » pour l’homme. Par contre, des rapports de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avaient innocenté la substance en 2016 et 2017...
Les études prises en compte par les agences européennes sont fournies par les industriels. Couvertes par le secret commercial, elles sont confidentielles et accessibles aux seuls experts des agences chargées de l’évaluation. Un toxicologue américain de renom, Christopher Portier, a pu consulter 82 des études en question, études auxquelles un groupe d’eurodéputés avaient enfin obtenu l’accès après diverses péripéties.
Il y a repéré plusieurs défauts et a, de plus, décelé des erreurs d’analyse faites par les instances européennes.
L’ONG autrichienne Global 2000 a, quant à elle, publié un rapport accablant sur l’évaluation du glyphosate. « Si les autorités européennes faisaient davantage confiance aux études indépendantes plutôt qu’aux études des producteurs, la prolongation de l’autorisation du glyphosate serait sérieusement compromise », y écrit le toxicologue allemand Peter Clausing. Selon son enquête, plusieurs publications blanchissant le glyphosate... ont été sponsorisées par les producteurs de l’herbicide. Il met aussi en lumière certaines astuces utilisées pour manipuler des données scientifiques et dénonce enfin des conflits d’intérêts au sein des institutions européennes et la connivence de certains chercheurs avec les fabricants du produit.
Toutes ces révélations interviennent alors que la Commission européenne a proposé le 16 mai dernier une réautorisation pour dix ans du pesticide… Au-delà du cas de Monsanto, ce cas illustre la façon dont sont généralement « expertisés » les problèmes dans le monde qui est le nôtre : par des patrons ou des technocrates à leur solde en ce qui concerne le droit du travail, par des banquiers pour ce qui relève de la finance, etc.