Le temps du vélo serait-il venu ? Nous ne reviendrons pas sur l’importance du vélo comme solution de transport, ni sur la prise de conscience due à la crise sanitaire et aux grèves des transports. Nous ne suspecterons même pas toutes celles et ceux qui font des déclarations fracassantes de sacrifier à des effets de mode. Mais nous voulons aborder quelques aspects « techniques », « stratégiques » et « politiques » incontournables, selon nous, pour que tout ceci ne soit pas qu’un simple écran de fumée.On le sait d’expérience, le gros défaut de la plupart des plans vélo dans les villes, c’est l’incohérence, génératrice de danger. TouTEs les cyclistes urbains connaissent les pistes peintes qui se terminent, pour le maigre flot des téméraires à vélo, au milieu d’un rond point, ou sur un rétrécissement de la chaussée. Souvent, elles s’arrêtent là où il aurait fallu construire une passerelle, tracer une chaussée spécifique, bref un peu plus que le coût d’un pot de peinture ! Si, comme promises, les « coronapistes » doivent être l’occasion de tester des itinéraires, de recenser les besoins de construction, de les faire évoluer afin de les pérenniser, elles devront éviter ces travers. Quant à la campagne, tout reste à faire, ou presque.
Le vélo… pour la vie !
Pour que ça change vraiment, les déplacements à vélo doivent être conçus comme une des alternatives à l’auto, en particulier pour les trajets courts et moyens : aller de chez soi au boulot ou sur son lieu d’étude, faire les courses… et pour cela les combiner avec les transports publics gratuits de qualité. En zone rurale, permettre d’accéder à vélo à des navettes qui rejoindront des plateformes de bus.
Prendre en compte que nombre de cyclistes sont des travailleurEs, c’est comprendre que le vélo n’est pas seulement pour la promenade du dimanche. Cela suppose de répondre à deux défis majeurs. D’abord, il faut que les pistes cyclables « aillent quelque part » (une école, un hôpital, une administration, une entreprise), qu’elles s’insèrent dans un plan de déplacement cohérent. Ensuite, il faut qu’à chaque étape de ces trajets, des équipements (prévus par la loi, pas laissés à la bonne volonté des décideurs ou des patrons) soient aménagés : des garages au pied des immeubles, devant les gares, dans les centres-villes, dans les zones commerciales et industrielles. Le versement transport peut en assurer une bonne partie du financement.
Pédaler, se mobiliser !
Pour que les travailleurEs aillent travailler en articulant vélo et transports en commun, il faut des droits du travail adaptés au vélo : prise en charge des frais de déplacement (le décret du 9 mai 2020 instaure le « forfait mobilité durable », mais facultatif pour les patrons !), prise en compte du temps de trajet sur le temps de travail, aménagement d’espaces dans l’entreprise pour garer son vélo (parkings couverts et sûrs) et pour le matériel (capes de pluie, sacoches), des vestiaires avec douches. Pour cela, il appartient aux travailleurEs et aux syndicats d’intégrer ces exigences dans leurs revendications. Le mouvement ouvrier doit porter les alternatives au tout-bagnole !
Pédaler, décider !
Enfin, il en est du vélo comme des transports publics, la parole des usagerEs est presque toujours ignorée... ce qui impose de s’en remettre aux quelques « décideurs » cyclistes, donc au hasard ! Là encore, comme pour les transports gratuits que nous revendiquons, qui mieux que les travailleurEs d’une zone industrielle pour savoir où tracer les pistes adaptées ? Qui mieux que les étudiantEs d’un campus pour décider des équipements nécessaires ? Qui mieux que les habitantEs d’une cité pour décider de la place des vélos au pied des immeubles ? Qui mieux que les habitantEs d’un village pour prévoir les aménagements nécessaires à leurs déplacements ? Alors oui, une des conditions d’un vélo « pas que pour les bobos », c’est plus de démocratie sociale !