Publié le Samedi 4 février 2023 à 20h00.

Réacteurs nucléaires : tous à la retraite !

Dans son discours de relance du nucléaire du 10 février 2022, Macron annonçait fièrement « j’ai pris deux décisions fortes » : prolonger à 50 ans la durée de vie des réacteurs et construire 6 nouveaux EPR, suivis de 8 autres. Mais la méthode Coué a ses limites.

Avant de penser prolonger les réacteurs actuels au-delà de 50 ans, il faudrait d’abord qu’ils tiennent le coup 40 ans, durée pour laquelle ils ont été conçus. Or c’est loin d’être le cas : cet été, plusieurs réacteurs ont dû être arrêtés pour cause de vieillissement prématuré. Un phénomène bien connu mais difficile à maîtriser, la CSC (corrosion sous contrainte) affecte des organes de sécurité. La production totale des centrales EDF, retombée à l’automne à 44 % de la puissance totale du parc (données RTE), est remontée depuis, loin des objectifs cependant.

Vous avez dit 14 EPR ? L’EPR de Flamanville ne fonctionne toujours pas, avec déjà 13 ans de retard et un coût multiplié par 6 (plus de 20 milliards d’euros). Sa mise en service annoncée pour 2024 a déjà du plomb dans l’aile car des problèmes de fragilité du cœur du réacteur ne sont toujours pas réglés. Et 2024, c’est la date dérogatoire fixée par l’ASN pour remplacer le couvercle de sa cuve. Pas encore en service et déjà défectueux …

Le Sénat a supprimé l’objectif de réduction de la part du nucléaire

En septembre 2022, Macron s’est fâché : il veut « un déploiement à marche forcée de la stratégie nucléaire ». Son ministre Le Maire en a rajouté : le nucléaire est la condition sine qua non à la réindustrialisation de la France. Le 2 novembre, Borne a présenté un projet de loi « d’accélération du nucléaire », qui prétend résoudre les complications techniques du parc nucléaire par la « simplification administrative ». En réalité, un passage en force : les sites seront dispensés d’autorisation d’urbanisme, le droit d’expropriation et la loi Littoral seront assouplis, le chantier pourra démarrer avant l’enquête publique… Ce 24 janvier, le Sénat a voté le texte à 94 % (239 voix contre 16), en alourdissant les peines pour intrusion dans les centrales et en imposant la révision du décret de fermeture de 12 réacteurs existants. Après Fukushima, la loi de transition énergétique de 2015 avait gravé dans le marbre que « la politique énergétique nationale a pour objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 » (art. 1), repoussé à 2035 par un décret de 2018. Le Sénat a supprimé cet objectif. Il n’est donc pas certain que la loi de programmation de l’énergie (PPE), en contradiction avec la loi, puisse être votée en 2023. Mais le nucléaire a son 49.3 : la politique du fait accompli.

Risque d’accident nucléaire accru

À 64 ans pour les êtres humains ou à 60 et même 80 ans pour les réacteurs, le vieillissement n’est pas un problème pour Macron et les parlementaires à sa botte. Avec une différence : le vieillissement des réacteurs n’a rien à voir avec leur âge. Les réacteurs les plus atteints par la CSC et les pathologies du béton sont aussi les plus récents (centrales de Civaux et Chooz). La prolongation des centrales accroît davantage le risque d’accident nucléaire. Le refroidissement des réacteurs a aussi des conséquences graves sur la faune et la flore aquatique et contribue significativement au réchauffement climatique. Greenpeace et Sortir du nucléaire ont claqué la porte du débat public, qualifié de « mascarade démocratique ». Une attitude responsable, qui va aider à amplifier les mobilisations sur le terrain.