Dans le cadre du Sommet des peuples, l’une des activités auto-organisées – sous le nom de « Rio + Toxico Tour » – proposée par des associations, communautés et mouvements sociaux, permettait aux participantEs de mesurer sur place les impacts sur les territoires et les communautés de la région de Rio de plusieurs grands projets industriels : l’usine sidérurgique ThyssenKrupp dans la baie de Sepetiba, la raffinerie Reduc et le complexe pétrochimique Comper dans la baie de Guanabara. Chacun des trois « circuits » partaient délibérément du siège de la Banque nationale de développement économique et social (BNDES), banque publique avec des capitaux privés, qui se présente comme une banque « verte », mais finance nombre de grands projets nuisibles d’un point de vue social comme environnemental au Brésil, mais aussi dans toute l’Amérique latine, la Caraïbe et en Afrique.Comment TKCSA détruit une régionLa ThyssenKrupp Companhia Siderùrgica do Atlàntico (TKCSA) est la première pièce du dispositif industriel et portuaire qui doit s’implanter dans la baie de Sepetiba à l’ouest de Rio de Janeiro. Cette zone est un véritable trésor naturel, l’une des 25 régions les plus riches en biodiversité du monde. L’entreprise a commencé à s’installer en 2006, après avoir été refusée dans de nombreux autres pays ou États du Brésil et malgré une forte résistance. Elle a démarré en 2010 sans avoir répondu aux exigences environnementales qui conditionnent théoriquement l’obtention des autorisations légales. L’usine émet des tonnes de CO2 dans l’air – suffisamment pour augmenter le niveau des émissions dans la ville de Rio de Janeiro de 76 %. Elle rejette des particules de fonte et des « pluies d’argent » qui recouvrent tout, jusque dans les maisons. Les analyses pratiquées par différents laboratoires spécialisés montrent la présence de différents produits chimiques, métaux lourds et polluants. Les effets sur la santé et les conditions de vie des habitantEs sont considérables : problèmes respiratoires et dermatologiques tout particulièrement chez les personnes affaiblies et les enfants. Comme il est d’usage, TKCSA a fait miroiter la création de nombreux emplois : 18 000 pendant la phase de construction et 3 500 en fonctionnement normal, en 2009 elle a réduit le chiffre à 2 500. En réalité très peu de ces emplois sont occupés localement et surtout leur nombre est sans commune mesure avec les plus de 8 000 emplois de pêcheurs artisanaux sacrifiés. Les pêcheurs sont réduits au chômage, parce que le poisson, comme le reste de la faune et la flore, l’ensemble de la chaîne alimentaire, est contaminé et parce qu’ils sont dissuadés d’accéder à la baie par le service de sécurité. TKCSA fait régner son ordre aussi sur terre, la rue centrale de la petite cité de Santa Cruz s’interrompt soudainement, les riverainEs se trouvent en face d’un portillon gardé ne permettant le passage que des piétons et des deux-roues, l’usine s’est approprié la route, espace public, obligeant les habitantEs à faire un large détour pour aller vers le village voisin.
La population, les pêcheurs, avec le soutien de militantEs et de chercheurs, se battent pour faire reconnaître leur droit contre la multinationale. La rencontre organisée dans la petite salle des fêtes de Santa Cruz décorée de multiples photos et banderoles – « Nos poumons ne sont pas les filtres de la CSA », « La vie d’abord et pas le profit » – a été pour les participantEs du « Rio + Toxico Tour » un moment qu’ils et elles ne sont pas près d’oublier. Quand l’une des Mères de la Place de Mai1 qui participe au tour dit devant une telle assemblée « il n’y a que la lutte, la lutte, la lutte », l’internationalisme et l’engagement militant prennent son visage. C’est aussi cela le « Sommet des peuples » !
1. Femmes argentines qui se sont battues pour retrouver leurs enfants enlevés par la dictature militaire à la fin des années 1970 et poursuivent depuis toutes ces années leur combat pour les droits démocratiques et sociaux.