Publié le Samedi 5 juin 2010 à 12h53.

USA . Marée noire : des dégâts irréparables

Depuis plus d’un mois, des millions de litres de pétrole se répandent dans le Golfe du Mexique. Malgré les annonces d’Obama, il est peu probable que BP assume les réparations. Le 20 avril dernier, une plateforme de la multinationale BP explosait puis sombrait dans les eaux du Golfe du Mexique, laissant échapper des tonnes de pétrole dans la mer.Cette marée noire a été aussitôt décrétée « catastrophe nationale » par les autorités américaines et Obama a promis dans la foulée de « mobiliser tous les moyens » pour minimiser les effets de ces millions de litres de brut accumulés au large, puis déversés sur les côtes de Louisiane, du Mississippi, de l’Alabama et de la Floride. Ce volontarisme était surtout destiné à rassurer l’opinion publique car les tentatives pour enflammer le pétrole (technique peu efficace et très polluante) étaient vouées à l’échec, et les 150 km de barrages flottants se sont avérées bien dérisoires pour endiguer l’énormité du flux. Le pétrole a touché des zones marécageuses et, si on sait aujourd’hui nettoyer les plages et les côtes rocheuses, on est assez démunis pour dépolluer des zones humides. En effet, dans les mangroves, les racines des végétaux qui trempent dans l’eau, sont rapidement engluées et le pétrole qui entre dans ce milieu fragile peut y demeurer pendant des dizaines d’années.  Ce sont des dégâts irréparables qui se produisent et ils ne concernent pas que les côtes américaines. Le delta du Mississippi (40 % des marais côtiers américains) compte près de 400 espèces dont plusieurs en danger : thon rouge, tortue marine, pélican brun… Le péril est grand pour ce réservoir de la biodiversité ainsi que pour la pêche, la Louisiane étant le premier producteur du pays. Le bilan promet d’être lourd, d’autant que l’expérience nous montre que la disparition d’une seule espèce entraîne des réactions en chaîne que nous ne savons pas anticiper. Et les conséquences mondiales de la destruction de cet écosystème sur le plancton, par exemple, peuvent être à terme une menace pour l’ensemble de l’humanité. La multinationale BP, après avoir minimisé la catastrophe, a estimé la fuite à 800 000 litres de pétrole par jour. Mais ce chiffre est aujourd’hui contesté par les experts gouvernementaux américains qui parlent de quantités quatre à cinq fois supérieures, ce qui place cet accident largement en tête de toutes les catastrophes pétrolières. Le gouvernement américain contrôle les tentatives du pétrolier pour maîtriser les fuites mais toutes les solutions techniques envisagées ont pour l’instant échoué. La dernière en date nécessitant le forage de puits secondaires ne sera fonctionnelle qu’à partir de la fin août ! Et si aucune méthode ne fonctionne, la fuite se poursuivra jusqu’à ce que le gisement s’épuise... Il est trop tôt pour évaluer toutes les conséquences économiques et environnementales. BP promet d’assumer l’entière responsabilité de la marée noire. Mais on sait par expérience qu’au moment de régler l’addition les compagnies rechignent à payer pour le préjudice environnemental qui n’est de toute façon pas chiffrable et réparable. Dans un contexte de raréfaction des ressources pétrolières, les compagnies multiplient les forages offshore en eau profonde. Une autre plateforme vient d’ailleurs de sombrer au large du Venezuela, apparemment sans conséquence. Mais seuls quelques États comme la Norvège ou le Brésil ont édicté des normes plus strictes en matière offshore. Les conséquences de la catastrophe étant mondiales à l’échelle environnementale, ce n’est ni à BP ni aux États-Unis de prendre seuls les décisions. L’ irresponsabilité des multinationales face à des actes qui ont des conséquences planétaires devraient faire l’objet de poursuites pour « crime contre la planète » et entraîner la confiscation de leurs biens et leur mise sous tutelle internationale. Mais rien de tout cela n’est à l’ordre du jour, pas plus qu’un audit indépendant de ces plateformes off-shore. Catherine Faivre d’Arcier