Le projet de loi de finances pour 2014 comporte dans son article 60 une disposition particulièrement scandaleuse.
En effet, sous couvert de la mise en place d’un fonds de soutien aux collectivités qui ont souscrit des produits toxiques, le gouvernement socialiste n’hésite pas remettre en cause un des principes essentiels de notre droit, le principe de non-rétroactivité des lois, et à désavouer les juges, dans le seul but d’aider les banques à spolier les collectivités publiques et la population.De quoi s’agit-il ? Victimes des prêts toxiques, 200 collectivités ont engagé plus de 300 procès contre les banques qui leur ont fait souscrire ce type de produits. Les sommes en jeu sont considérables. Dans une tribune publiée dans le Monde du 3 juin dernier, Michel Klopfer estimait le risque lié aux emprunts toxiques entre 15 et 20 milliards d’euros. En janvier 2013, le gouvernement a créé la Société de Financement local (SFIL) qui a pour objet la reprise d’un portefeuille de 90 milliards d’euros de prêts déjà consentis à des collectivités par DEXMA (une entité de DEXIA). Sur ce stock, près de 10 milliards d’euros d’encours sont considérés comme « sensibles » (comprendre « toxiques ») et concernent environ 1 000 collectivités. Il s’agit de prêts structurés dont le taux est indexé sur des cours de monnaies telles que le franc suisse, le dollar ou le yen. Le risque de ce stock de 10 milliards d’euros de prêts toxiques est donc désormais assumé par la SFIL, c’est-à-dire par l’État.
L’Etat protecteur... des banques !Or ces derniers mois, des collectivités qui avaient assigné les banques pour contester les prêts toxiques que ces dernières leur ont fait souscrire ont obtenu gain de cause en justice. Cela a été le cas notamment du conseil général de Seine Saint-Denis qui, dans trois affaires l’opposant à Dexia, a vu le tribunal de grande instance de Nanterre décider la nullité de la clause d’intérêt de trois contrats. Le TGI « annule la stipulation conventionnelle d’intérêts, dit que le taux légal doit être substitué au taux conventionnel depuis la conclusion du contrat de prêt, le taux légal subissant les modifications successives que la loi lui apporte ». Cela signifie que le taux légal doit s’appliquer rétroactivement depuis la 1ère échéance… Pour information, le taux légal pour 2013 est de 0,04 %. Le risque est donc grand pour le gouvernement de voir l’encours de 10 milliards de prêts toxiques connaître le même sort que les trois prêts du département de Seine Saint-Denis. C’est donc l’État , à travers la SFIL, qui sera condamné à supporter les coûts considérables liés aux prêts toxiques.Pour se soustraire à cette obligation, le ministère de l’économie et des finances a eu l’idée d’insérer dans le projet de loi de finance pour 2014, une disposition figurant dans son article 60 qui prévoit que « sont validés les contrats de prêt ou les avenants à ces contrats conclus antérieurement à la publication de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale, en tant que la validité de la stipulation des intérêts serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global prescrite par l’article L. 313-2 du code de la consommation… » Pour les collectivités et les contribuables locaux, cet article sera lourd de conséquences. Mais les choses ne sont pas encore dites car le texte du gouvernement contrevient à la jurisprudence des lois de validation telle qu’elle a été définie par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’Homme, le Conseil d’État et la Cour de cassation. En effet, cette jurisprudence conditionne les exceptions au principe de non rétroactivité des lois à des conditions strictes, en particulier d’impérieux motifs d’intérêt général et le droit à un procès équitable, autant de conditions que l’article 60 proposé par le gouvernement ne respecte pas. Aux citoyens et à leurs élus d’agir en justice pour faire respecter le droit et écarter ce qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle loi d’amnistie des banques.
Patrick Saurin