C’est le Sunday Times qui nous l’a appris le 6 mars : plusieurs compagnies aériennes britanniques ont fait voler des avions « fantômes », vides de tout passager, pour maintenir leurs vols malgré les effets de l’épidémie de coronavirus. Des milliers de litres de kérosène ont ainsi été brûlés pour faire circuler des avions vides, dans le seul but de se conformer à une réglementation qui impose aux compagnies aériennes de faire voler leurs avions, même s’ils sont à moitié (ou totalement) vides. En vertu de cette règle, dite « use it or lose it », désormais provisoirement suspendue, si une compagnie utilise moins de 80 % des créneaux qui lui sont attribués, elle les perd la saison suivante.
Quelques jours plus tôt, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire annonçait un encadrement des prix des gels hydroalcooliques, alors que les médias se faisaient l’écho de l’augmentation spectaculaire des prix de vente de certains de ces gels, notamment ceux vendus sur internet, mais aussi dans les pharmacies qui, forcées de se réapprovisionner en raison de la forte demande, constatent une explosion des prix proposés par les fournisseurs. « Des prix inacceptables » s’est insurgé Bruno Le Maire, visiblement peu au fait du fonctionnement de l’économie capitaliste et des vertus de la « concurrence libre et non faussée ».
Ces avions vides et ces gels à prix exorbitant ont en effet un point commun : s’ils illustrent, de manière crue, les aberrations du système capitaliste, ils ne sont que la conséquence logique de la règle d’or de l’économie de marché selon laquelle tout est bon pour faire du profit, quelles qu’en soient les conséquences sur l’environnement et sur les êtres humains. Et ce ne sont pas les gesticulations faussement outragées de Le Maire, membre éminent d’un gouvernement au service des riches et des multinationales, qui y changeront quoi que ce soit.
Alors que les bourses sont en chute libre et qu’une crise d’ampleur s’annonce, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès de Le Maire, rivalise ainsi de cynisme irresponsable avec son ministre de tutelle, en déclarant : « C’est le moment de faire des bonnes affaires en bourse » (sic). L’épidémie de coronavirus, sa gestion et ses conséquences, soulignent à quel point il est temps d’en finir avec ce système et avec ceux qui le défendent et le perpétuent. Pour en finir avec la loi du profit, qui n’a que mépris pour nos vies, pour la vie.