Il y a tout juste une décennie, printemps 2007, commençait la crise des « subprimes ». Les prévisions économiques les plus récentes montrent que les incertitudes économiques sont toujours là.
La crise a commencé en 2007 dans le secteur immobilier : des centaines de milliers de ménages américains ont perdu leur logement suite à des crédits accordés à tour de bras et à des taux variables rapidement croissants. À partir de là, la crise s’est étendue dans le secteur financier, puis l’économie mondiale a plongé. Depuis, l’économie mondiale connaît des taux de croissance globalement médiocres (surtout dans la zone euro) et les salariéEs payent la crise sous forme de chômage, de stagnation des salaires ou de réduction des services publics... tandis que les cours de la Bourse accumulent les records !
Une croissance poussive
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique, qui regroupe une bonne part des économies capitalistes) a publié le 7 mars dernier ses prévisions économiques : elles sont loin d’annoncer des lendemains qui chantent, du moins pour la grande masse des populations. L’économie mondiale reste engluée et n’est pas à l’abri d’un déraillement. En dehors de la Chine et de l’Inde, la croissance reste limitée. Elle est particulièrement poussive dans la zone euro : ainsi, l’OCDE lui attribue un taux de croissance de 1,6 % pour 2017 et 2018. Les prévisions pour les États-Unis sont meilleures (+ 2,4 % cette année, + 2,8 % l’an prochain) mais sont dépendantes de la politique qui sera effectivement mise en place sous Donald Trump, en ce qui concerne par exemple les investissements dans les infrastructures. La Chine devrait continuer à ralentir (avec une croissance tombant à 6,3 % en 2017), et l’Inde restera en tête du classement (+ 7,7 % en 2017).
L’OCDE insiste sur les fragilités de cette situation. Les marchés financiers, qui ne cessent de monter, lui « apparaissent déconnectés des perspectives de l’économie réelle » qui reste marquée par la faiblesse de la consommation et de l’investissement et le ralentissement de la productivité. La remontée annoncée des taux d’intérêt américains pourrait accroître l’instabilité financière et celle des taux de change. Autre souci : l’endettement des entreprises, notamment en Chine (où la croissance est aussi soutenue par des crédits publics massifs). Il y a aussi le poids des créances douteuses (c’est-à-dire celles qui risquent de ne pas être remboursées) dans le bilan des banques. Enfin, l’OCDE s’alarme des velléités protectionnistes des États-Unis qui risqueraient d’enclencher des conflits commerciaux.
Baisse de confiance dans les gouvernements
Instruite par l’élection de Trump, l’OCDE souligne l’incertitude politique grandissante dans divers pays. Elle décrit la baisse de la confiance dans les gouvernements et systèmes politiques du fait de la montée des inégalités et d’un fort sentiment d’injustice sociale. Il est d’ailleurs amusant de voir que le document publié par l’OCDE, outre les graphiques et tableaux habituels sur le PIB, les investissements, etc. contient des graphiques sur l’instabilité politique et la confiance dans les gouvernements... L’OCDE est un peu (avec le FMI) l’« intellectuel collectif » du capitalisme, apôtre de toutes les réformes néolibérales. Il semble donc s’inquiéter des retombées des réformes néolibérales prônées avec vigueur dans les années antérieures et encore maintenant.
Cela traduit le manque de projet du capital pour sortir de la crise. D’un côté, la situation actuelle satisfait les grandes entreprises et les milieux dirigeants (les bénéfices du CAC 40 ont ainsi nettement progressé en 2016) et ceux-ci souhaitent des coups supplémentaires aux acquis sociaux. De l’autre, les cercles les plus intelligents de la bourgeoisie sont conscients de la montée d’un rejet de plus en plus grand à leur égard et du manque de croyance dans leurs sempiternels refrains (ceux du genre « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain... »).
Une nouvelle phase d’expansion du capitalisme n’est clairement pas à l’ordre du jour. Et pour l’instant, la désillusion des couches populaires profite avant tout aux forces réactionnaires de divers types et à ceux qui se présentent comme des sauveurs et surfent sur la passivité des oppriméEs.
Henri Wilno