Les cinq premières fortunes françaises représentent à elles seules 116 milliards d’euros. Au total, la France compte 39 milliardaires. La richesse, ce n’est pas seulement l’argent et le luxe, c’est aussi, dans la société capitaliste, le pouvoir...
Certains économistes néo-libéraux sont des adeptes de la « théorie du ruissellement » : les revenus des plus riches contribuent, directement ou indirectement, à l’activité économique générale et à l’emploi dans le reste de la société. Conséquence : leur faire payer des impôts élevés est plus nuisible qu’utile car cela briderait l’initiative économique et, que de toute façon, ce que les riches gagnent finit par profiter à tout le monde.
À ce compte-là, la situation de la France ne peut que s’améliorer : d’après un classement publié par le magazine américain Forbes, la France compte 39 milliardaires, dont 30 se sont enrichis depuis l’année dernière. Les riches sont donc de plus en plus riches. Le premier au classement est Bernard Arnault (groupe LVMH) avec à peu près 40 milliards d’euros : le héros (involontaire) du film de François Ruffin Merci patron ! semble donc se porter à merveille. Il devance Liliane Bettencourt (groupe L’Oréal) avec 38 milliards d’euros. Avec à la troisième place, Serge Dassault (15 milliards d’euros), etc.
Forbes note une proportion d’héritiers plus élevée que dans d’autres pays parmi les milliardaires français : si la part d’héritiers est de 50 % en moyenne, elle atteint 70 % en ce qui concerne les dix premiers : pour être milliardaire, mieux vaut ne pas partir de rien, on l’aurait deviné...
40 milliardaires... 40 voleurs ?
Plutôt que de faire « ruisseler » leur argent, la principale préoccupation des milliardaires est de l’accroître et de créer les conditions pour qu’on ne vienne pas y toucher. À cette fin, outre leurs liens directs avec la sphère politique, ils sont fortement présents dans la presse : Dassault contrôle le Figaro, Drahi (SFR) a investi dans Libération, BFM et RMC, Xavier Niel (Free) dans le Monde et le Nouvel observateur, Bernard Arnault dans les Échos, Bolloré dans le Groupe Canal +... Ils jurent leurs grands dieux de respecter la liberté des rédactions, mais ils imposent des compressions de personnel et, si nécessaire, ils savent intervenir, comme le raconte la journaliste Aude Lancelin virée de l’Obs au moment du mouvement contre la loi travail. La richesse, ce n’est pas seulement de l’argent, des résidences somptueuses, des œuvres d’art, c’est aussi du pouvoir !
Ces milliardaires n’hésitent pas non plus devant toutes les petites combines d’évasion et de fraude fiscale. À cette fin, ils batissent des édifices compliqués permettant de dissimuler ou de délocaliser une partie de leurs avoirs et bénéfices. Serge Dassault a ainsi été condamné en février dernier pour avoir dissimulé au fisc des dizaines de millions d’euros dans des comptes au Luxembourg et au Liechtenstein.
Les milliardaires ne sont pas un épiphénomène, comme voudraient nous le faire croire certains journalistes. Leur fortune démontre que de l’argent, il y en aurait pour faire face à l’urgence sociale. Ainsi, le budget total du RSA qui est de 10 milliards d’euros : avec 10 % de la fortune des cinq plus riches, on pourrait le doubler ! Mais ce n’est pas qu’une question d’argent : être richissime, c’est d’abord le pouvoir économique de licencier et de décider – en fonction des perspectives de profit – ce qui doit être produit et ce qui ne doit pas l’être... même si ce serait plus utile. Enfin, la richesse permet aussi d’influencer la politique… et pas seulement en offrant des costumes sur mesure !
Henri Wilno