Publié le Mercredi 15 janvier 2020 à 15h50.

Toulouse : quand l’université Jean-Jaurès établit une liste noire des grévistes

Mardi 7 janvier, le syndicat Sud-Éducation révélait des échanges mails, datés de 2018, démontrant sans ambiguïté qu’une « liste noire » des personnels grévistes avait été établie au sein de l’université Jean-Jaurès (Mirail) à Toulouse. 

Le mail est daté du 14 mai 2018, et il est adressé par François Pelisset, adjoint au directeur général des services (DGS) de l’université Jean-Jaurès, à plusieurs directions d’unités de formation et de recherche (UFR) : « Comme cela a été fait en UFR SES, et à titre préventif pour limiter toutes nouvelles perturbations, nous vous invitons à nous indiquer d’éventuels agents de vos UFR auxquels il conviendrait de limiter les droits d’accès sur leur badge Salto au regard de leur engagement dans le mouvement de blocage de l’Université. » En d’autres termes, la direction de l’université invite explicitement les directions d’UFR à lui remonter des « listes noires », se référant à une démarche entreprise par l’UFR SES (Sciences espaces sociétés) quelques jours plus tôt. 

« C’est une excellente idée »

Michèle Saint-Jean, directrice de l’UFR SES, avait ainsi envoyé un mail dans lequel elle établissait une liste de 24 noms, parmi les personnels, au sujet desquels elle demandait des restrictions sur les accès aux locaux de l’université, en établissant plusieurs catégories et plusieurs niveaux de restriction. Réponse du directeur général des services de l’université, Alain Miaoulis : « C’est une excellente idée ». Il faut se souvenir qu’à l’époque, l’université du Mirail sortait de plusieurs mois de mobilisation, avec un long blocage de la fac, impliquant étudiantEs et personnels mobilisés… 

La direction de l’université a non seulement salué l’initiative, évidemment illégale, mais a également encouragé sa généralisation. Et l’on n’en est pas resté au stade des mails puisque les personnels dont les noms étaient listés ont effectivement constaté que leurs badges d’accès ne leur permettaient plus d’accéder à certains locaux de l’université, pensant à un bug… jusqu’à ce que le scandale soit révélé. Pour Sud-Éducation, « C’est inadmissible que des listes noires soient constituées à la suite d’un mouvement social et que du personnel soit fiché de la sorte. » La CGT Éduc’action évoque de son côté « une atteinte grave au droit de grève, à la liberté d’expression et au droit de se syndiquer ». Du côté de l’Union des étudiantEs de Toulouse (UET), on demande entre autres la démission immédiate et sans conditions de François Pelisset, Alain Miaoulis et Michèle Saint-Jean.

La présidence de l’université fait profil bas et déclare : « Afin d’établir avec précision les faits en cause et de les qualifier, [la présidence] a adressé une saisine auprès de Mme la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation afin que celle-ci diligente une mission d’inspection. » On attend avec impatience la « qualification » des faits par le ministère de l’Enseignement supérieur, qui doivent être nommés pour ce qu’ils sont : un fichage des grévistes, et donc un scandale absolu.