Entretien. Vous les croisez régulièrement juchés sur leurs vélos avec leur container sanglé sur le dos, mais leur présence en tête de récentes manifestations parisiennes, comme celle du « Premier tour social » et du 1er Mai, brandissant des drapeaux noirs à l’effigie de la compagnie, a de quoi surprendre : ce sont les livreurs de Deliveroo et compagnie qui se sont réunis dans le CLAP (Collectif des livreurs autonomes de Paris). Nous avons demandé à Étienne1 de nous en dire davantage.
Peux-tu nous dire en quoi consiste votre travail, votre statut et les difficultés rencontrées ?
Notre travail est simple : un client passe commande sur une plateforme (Deliveroo, Foodora etc.), et nous nous chargeons d’aller au restaurant ou au magasin et de la lui ramener. Nous ne nous occupons même pas du paiement.
Là où tout se complique, c’est pour le statut. Nous ne sommes pas salariés mais auto-entrepreneurs. Tous les coursiers que vous croisez ont à leur nom une entreprise et sont officiellement des partenaires des plateformes et non des employéEs. Nous sommes donc taxés par l’État, n’avons pas droit à des congés payés ou même à des congés maladie, et il nous arrive de gagner moins que le SMIC… Nous avons perdu d’un coup tout ce que les travailleurs avaient obtenu par leurs luttes.
De plus, certaines plateformes jouent avec notre rémunération. Les primes de pluie disparaissent, les minimums garantis aussi. Ce qui veut dire que s’il n’y a pas de commande, nous ne sommes pas payés ! C’est le retour du travail à la tâche. Ajoutez à cela que les plateformes nous obligent à porter leurs couleurs tout en répétant dans la presse que nous sommes totalement indépendants, qu’elles virent à tour de bras ceux qui osent se plaindre et poussent à la concurrence entre les livreurs, et vous comprenez qu’il était grand temps que l’on s’organise.
Comment est né le CLAP ? Quels sont vos rapports avec les syndicats ?
Pour faire court, il y a eu une tentative de grève nationale le 15 mars dernier à l’appel de groupes de livreurs lyonnais. Malheureusement, sur Paris le rassemblement fut un échec. Les coursiers se sont dispersés sans que rien de concret ne se décide. Avec d’autres collègues, nous en avons tiré la conclusion qu’il nous fallait un cadre d’organisation, c’est comme ça qu’est né le CLAP.
Au sein du CLAP, certains membres sont à la CGT et d’autres chez SUD. C’est pour moi une nécessité de se syndiquer, afin de pouvoir profiter du réseau, de la structure du syndicat, mais surtout dans le but de se protéger. Car comme je l’ai dit, les plateformes n’hésitent pas à virer les fortes têtes. Deliveroo y réfléchira à deux fois avant de virer un livreur syndiqué.
Cependant, nous voulons aussi permettre à ceux qui le souhaitent de se mobiliser sans forcément prendre une carte. Le CLAP le permet en plus de nous donner la possibilité d’avoir une voix commune entre la CGT et SUD.
Votre participation aux manifestations a été remarquée. Quelles sont vos prochaines actions ?
Pour le moment, notre but était de faire parler de nous et d’envoyer un signal aux plateformes, mais aussi aux autres travailleurs qui parfois nous considèrent comme des traîtres provoquant la destruction du code du travail. Avec le CLAP, nous apportons une critique de l’uberisation si chère à notre nouveau Président.
Maintenant qu’on nous connaît, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses. Nous ne pouvons pas vous en dire plus mais il est possible que certaines actions en justice se fassent, et surtout nous préparons une campagne qui pourrait s’inspirer de la récente grève des Deliveroo à Marseille… En plus de ça, nous organiserons aussi des formations pour les coursiers qui le souhaitent mais également des activités autour du vélo afin de construire une réelle solidarité entre livreurs.
Propos recueillis par LD
Pour contacter le CLAP : https://www.facebook.com… @_CLAP75
- 1. Le prénom a été changé...