Publié le Vendredi 22 avril 2016 à 08h17.

Ford Blanquefort (33) : Convoqués par la police !

Quatre salariés ont été convoqués ces derniers jours au commissariat de police de Bordeaux après deux plaintes de Ford pour deux manifestations sur le stand de la multinationale au Mondial de l’auto en 2012 et 2014...

«Violences aggravées en réunion », voilà ce qui est reproché aux manifestants. C’est grotesque mais, en même temps, cela montre jusqu’où peut aller la logique de répression contre le mouvement social, et la volonté de gouvernement et du patronat de faire taire toute contestation.

Les actions au Mondial de l’auto à Paris étaient un rendez-vous annuel depuis 2008. à chaque fois, nous y manifestions pour rendre visible la lutte pour nos emplois et l’avenir de l’usine, cela sur les lieux mêmes de cette belle vitrine des constructeurs automobiles où sont exposés les véhicules flambant neufs... fabriqués par des salariés qui subissent les reculs sociaux divers, en particulier les plans de suppressions d’emplois.

Ford n’a jamais supporté ces manifestations : effectivement, nous envahissions le stand, l’occupions pendant une heure environ, refaisions la décoration à coup d’autocollants, tout cela dans une ambiance festive à grands coups de confettis. L’objectif est de nous faire entendre, de mettre la pression en touchant à l’image de Ford. La médiatisation importante de ces actions nous a permis d’être au moins un peu efficaces. En tout cas, aujourd’hui, même si l’avenir reste flou, nous sommes toujours là, des centaines d’emplois ont été sauvées.

Une accusation vide de chez vide...

Mais Ford ne lâche pas et veut régler des comptes, voulant sans doute atteindre notre détermination pour la suite, ce qui n’augure pas de bonnes intentions de sa part. Mais l’offensive judiciaire de Ford ne repose sur rien : des photos de manifestations récupérées sur le site de la CGT-Ford, notamment celle où l’on voit cinq salariés sur une voiture exposée brandissant bandeaux et tee-shirts « Sauvons les emplois », où celle où l’on voit les voitures recouvertes de ces mêmes bandeaux. Rien ne montre une quelconque dégradation, de l’agressivité. Aucune image, aucune vidéo, aucun son ne démontre ce que Ford affirme aujourd’hui. Pourtant les médias étaient là, nombreux.

Concernant la voiture prétendument dégradée (« capot légèrement enfoncé »), il y a certes eu un constat d’huissier, avec un document confirmant la réparation... mais en mars 2013, soit 6 mois plus tard ! Les deux plaintes de Ford concernent les cinq mêmes salariés, en 2012 et 2014... Or deux d’entre eux n’étaient pas à l’action de 2014 ! Dans le déroulé des manifestations, il n’y a rien qui démontre que les salariés visés auraient fait quoi que ce soit. Tout est à l’avenant, sans aucune preuve, ni sérieux. Et pourtant...

Les auditions ont duré deux heures et demie pour les deux premiers salariés. Les questions ont porté sur la volonté ou pas de dégrader, sur la préméditation de nos actes, sur le pourquoi et le comment de nos actions, sur son financement, sur l’existence d’un meneur…

à vouloir ainsi parler de dégradation en manifestation, le parquet ne parle pas de la casse sociale provoquée par Ford, des 2 000 emplois perdus ces dernières années, de la violence et des conditions de travail dégradées, des policiers qui nous ont gazés avant la manifestation, qui ont voulu nous  interdire l’entrée du Mondial de l’auto, qui nous ont fouillés pour prendre nos stocks d’autocollants et de confettis... En fait, ce sont les véritables problèmes que l’on veut ainsi cacher.

Philippe Poutou