Confrontés à la faiblesse de la mobilisation des salariéEs, nous cherchons les moyens de maintenir quand même une pression sur Ford comme sur les pouvoirs publics.
Par des actions visibles, nous devons sensibiliser la population, toucher à l’image de Ford et pousser les pouvoirs publics à agir. Sans rapport de forces c’est plus difficile mais pas impossible. La multiplication des initiatives permet de faire du bruit malgré tout.
Après Cologne, la manif de Bordeaux du 30 juin, cette semaine nous avons envahi le conseil de Bordeaux Métropole, présidé par Juppé. À une trentaine, pour moitié des salariés de Ford, accompagnés de syndicalistes postiers, cheminotEs, enseignantEs, chômeurEs, intermittentEs, nous sommes rentrés dans l’enceinte, avons déployé notre banderole « Non à la fermeture de l’usine ». Rapidement Juppé a suspendu la séance, nous reprochant cette intrusion, quittant la salle. Comme il y avait eu refus de nous donner la parole, nous l’avons prise devant les élus, lisant un courrier envoyé la veille aux pouvoirs publics (gouvernement, préfet…) dénonçant leur inaction, demandant que l’État fasse son boulot, de défendre l’intérêt collectif contre la multinationale. Cette action a eu un très bon écho, un peu médiatisée, une vidéo circulant en ligne.
Des milliers d’emplois menacés
Nous tenons aussi à rappeler que l’usine Ford, ce n’est pas seulement 900 salariéEs « Ford », mais aussi des salariéEs sous-traitants dits « indirects » et, au-delà, les emplois induits par l’usine, sur le département, sur la région. Il s’agit de la vie économique et sociale qui s’organise autour et cela va jusqu’aux services, les emplois publics, les commerces... Dans le cas de l’usine Ford, cela représenterait 3 000 emplois. Le chiffre est approximatif, mais pas remis en cause par les pouvoirs publics qui reconnaissent ne pas être capables de chiffrer précisément.
Nous insistons sur ce chiffre de 3 000 emplois induits car il montre que tout le monde est concerné, et cela met en évidence la responsabilité de l’État, des collectivités territoriales, en leur mettant une pression supplémentaire pour qu’ils interviennent. En clair, nous voulons que leur posture de « non-intervention » ou de prétendue « impuissance » soit intenable.
Nous combattons aussi l’idée fausse selon laquelle Ford pourrait faire un « bon plan de licenciements », donner des primes de départ suffisantes, que les salariéEs pourraient finalement pas trop mal s’en sortir, que primes ou emploi, c’est un choix personnel. Alors que le sort de l’usine concerne au-delà des 900 salariés « Ford ». Les conditions d’un « PSE » ne s’appliquent qu’aux emplois directs. Personne ne s’occupe des conditions de licenciements et de suppressions pour tous les autres emplois : à la Sodexo (cantine de l’usine), chez les transporteurs ou, plus tard, dans les commerces alentour, pour les employéEs municipaux, dans les écoles…
Une ambiance qui évolue dans l’usine
Cette question des emplois induits montre la nécessité pour la population aux alentours de se mobiliser ensemble, pour défendre les emplois de touTEs, en soulignant que les emplois sont liés les uns aux autres. C’est justement pour mobiliser largement que nous avons initié la manifestation unitaire le 30 juin et que nous en réorganiserons une autre en septembre.
Toute action extérieure compte et peut aider pour la suite, même pour changer l’ambiance à l’intérieur de l’usine. Nos actions, notre résistance permettent actuellement de sensibiliser la population ; la sympathie s’exprime autour de nous. Cela ne peut qu’aider à redonner un peu de confiance et de fierté aux collègues. Plus la solidarité et l’intérêt collectif sont mis en avant, plus cela combat les réflexes individualistes. En tout cas, au fil des semaines, au fil de nos actions, dans l’usine l’ambiance évolue un peu, des collègues ont de plus en plus l’envie et la force de résister, de se défendre. Il est temps de perturber le plan de fermeture, d’imposer des solutions de maintien de l’activité d’une manière ou d’une autre. Cela signifie une mobilisation des salariéEs, de la population et des pouvoirs publics qui s’en mêlent.
Philippe Poutou