Publié le Dimanche 19 mars 2017 à 11h40.

PSA : Devenir le champion de la rentabilité ?

La roue tourne vite dans l’industrie automobile. Trois ans après les trois milliards d’euros qui lui avaient été versés par le gouvernement français et la firme chinoise Dongfeng, PSA vient de mettre la main sur les filiales européennes Opel et Vauxhall de General Motors.

«Propriétaire des moyens de production », une expression toujours valide ! Car ce sont bien des propriétaires – actionnaires, héritiers rentiers de la famille Peugeot et gouvernement – qui ont discuté d’un prix additionnant usines, machines, brevets, réseau commercial et la force de travail de 40 000 salariéEs répartis dans six pays européens.

1,3 milliard d’euros pour acheter Opel et Vauxhall

Tout se mesure en euros ou en dollars ! PSA va débourser 1,3 milliard d’euros pour racheter Opel et Vauxhall... Plus la moitié de 900 millions d’euros pour acheter avec Paribas les activités bancaires GM. Au passage, remarquons qu’une seule banque spécialisée dans le crédit automobile « vaut » plus de deux tiers de 10 usines réparties dans toute l’Europe !

Le nouveau groupe PSA, avec 4,3 millions de voitures possiblement produites, est loin d’atteindre le seuil des dix millions de véhicules, le ticket d’entrée pour faire partie des quatre plus grands constructeurs automobiles du monde. Mais PSA devient le deuxième constructeur automobile européen, derrière le groupe Volkswagen mais devant Renault.

PSA a déjà racheté d’autres entreprises automobiles, mais seulement à l’échelle du territoire français. Peugeot est ainsi devenu PSA après avoir racheté en 1978 Citroën et en 1979 Chrysler Europe, l’ancien Simca. Et il aura fallu plus de 25 ans pour que l’intégration industrielle de ces trois firmes soit achevée.

Atteindre une marge opérationnelle de 6 %

Les actionnaires d’aujourd’hui vont exiger leurs dividendes tout de suite. De déficitaire aujourd’hui, l’objectif fixé pour Opel-­Vauxhall est une marge opérationnelle de 2 % d’ici à 2020 et de 6 % d’ici à 2026, c’est-à-dire un alignement sur les objectifs PSA. Bien sûr, des éléments, à commencer par les rapports de forces sociaux et l’aggravation des dégâts écologiques causés par la circulation automobile, peuvent remettre en cause ces objectifs. Il n’empêche qu’un cap est fixé, aboutissant à une reconfiguration menaçant encore plus les plus menacés des sites, aussi bien chez Opel et Vauxhall que chez PSA. En France, les sites de Poissy et de Rennes sont en première ligne de ces  attaques prévisibles.

Carlos Tavares a dû tenir compte du calendrier électoral allemand et a promis qu’il n’y aurait pas de fermeture d’usines en Allemagne d’ici à 2020, soit un répit promis de trois ans. On connaît l’expérience de PSA en la matière, qui a attendu en France la fin de l’élection présidentielle de 2012 pour annoncer la fermeture de l’usine d’Aulnay.

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient

PSA a fermé Aulnay et Opel a fermé l’usine de Bochum : ils se valent tous ! Et PSA en profite ainsi pour faire valoir qu’il n’est pas pire que General Motors comme patron d’Opel ! La direction du syndicat allemand IG Metall et les syndicats de PSA qui ont déjà entériné les plans de compétitivité accompagnent les choix de PSA « qui lui donnent une nouvelle dimension ». Désillusions et défaites suivront nécessairement ces renoncements...

La CGT du groupe PSA s’oppose, elle, clairement : « Elle défendra inlassablement auprès des salariés de Opel et de PSA qu’ils ont des intérêts communs, que leur sort est désormais lié face aux actionnaires de PSA. L’union par-delà les frontières est vitale afin de construire les futures mobilisations qui ne manqueront pas d’arriver. »

La mise en concurrence des usines et des salariéEs est un poison entretenu par le patronat pour mieux appliquer ses plans. L’heure est effectivement à la construction de nouveaux liens militants dans ce nouveau groupe restructuré à l’échelle européenne, entre usines et travailleurs des deux côtés du Rhin comme de la Manche. Il faudra savoir rendre compte de toutes les initiatives allant dans ce sens.

Jean-Claude Vessilier