Le tribunal de commerce de Bobigny a reporté au lundi 26 juin sa décision concernant la reprise de l’entreprise Tati. Une centaine de salariéEs y étaient présents, appelés par la CGT pour soutenir deux propositions de reprises différentes.
Pour les 1 754 salariéEs de Tati, l’enjeu est bien évidemment le maintien de l’emploi, de tous les emplois. Reprise en 2004 par Eram, l’entreprise accusait l’an passé des pertes opérationnelles d’environ 60 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 350 millions, et a été placée en redressement judiciaire le 4 mai.
Toujours des promesses ?
En effet le tribunal de commerce devra faire un choix entre deux offres de reprise du groupe Agora Distribution (qui regroupe les enseignes Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif’Mania).
D’une part, celle de GIFI, groupe GPG, modifiée in extremis vendredi soir et qui a le soutien d’Eram, prétend reprendre 1 428 emplois directs et 109 magasins, ainsi que 24 franchisés, avec l’objectif de les conserver sous leurs enseignes actuelles. Eram propose de participer au PSE à hauteur d’un million d’euros (sur cinq millions au total). Le repreneur promet un retour à l’équilibre de Tati d’ici trois ans. L’avenir du site emblématique de Barbès est incertain, alors que (ou parce que ?) c’est aussi celui où les salariéEs sont le plus mobilisés, alors que le siège social échapperait à la restructuration.
De l’autre, un consortium d’enseignes discount mené par Centrakor, allié à La Foir’Fouille, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo qui s’engagerait à reprendre 1 298 salariéEs et 98 magasins, dont 16 continueront à être exploités sous l’enseigne Tati, ainsi que 27 franchisés. Si l’enseigne Tati disparaît pour de nombreux magasins, l’emploi dans le réseau de magasins serait moins touché.
Des syndicats divisés
Le comité d’entreprise, dans lequel la CGT est majoritaire, soutient plutôt le projet « Centrakor » qui préserverait également les institutions représentatives du personnel. En fait, les deux groupes qui proposent ces plans sont intéressés par les mêmes emplacements, ce qui rendait illusoire tout projet de rapprochement des deux projets. Les syndicats CFDT, UNSA et CFTC (dont les manifestantEs arboraient curieusement un T-shirt GIFI...), soutiennent le projet GPG. Pour influencer le Président du tribunal ?
Mais les enjeux pour les salariéEs sont clairs : pas une suppression d’emploi, pas d’aggravation des conditions de travail. Eram a fait des profits pendant des années sur le dos des salariéEs et réussi aujourd’hui à se mettre hors-jeu. Comme à GM&S et dans bien d’autres entreprises, les cessions et rachats permettent régulièrement de réduire les effectifs sans que les employeurs successifs n’en supportent aucune conséquence. Aucun des repreneurs ne s’engage au-delà de quelques mois… Les lois Macron et El Khomri sont passées par là, et le président de la République va passer une nouvelle couche pour « libérer » le travail.
L’avenir du magasin Tati de Barbès, c'est aussi un enjeu de société, de (sur)vie d’un quartier. Dans un Paris où les promoteurs immobiliers ont les dents longues et les soutiens nombreux, l’existence de magasins accessibles aux plus défavoriséEs est une verrue à supprimer. C’est ce qu’on compris les habitants du quartier de Barbès réunis dans un comité de soutien aux salariéEs de Tati, comité qui appelait à un rassemblement ce mardi 20 juin devant la magasin Tati au moment de la discussion sur cette question au Conseil municipal de la ville de Paris.
Robert Pelletier