Publié le Jeudi 10 mars 2016 à 09h48.

Tous ensemble pour le retrait de la loi travail !

Le rejet massif de la loi El Khomri par les travailleurs et la jeunesse, matérialisé notamment par une pétition d’ampleur historique, réinvite la lutte des classes dans le débat politique et bouscule les directions des partis et des syndicats...

Celles-ci sont sommées de se positionner, obligées de manœuvrer pour ne pas aller contre le vent, quitte pour certaines à passer de petits arrangements avec le gouvernement.

Tempête dans les appareils syndicaux

Le premier effet de la montée massive de ce rejet est la clarification d’un certain nombre de positions dans le champ syndical. Le « syndicalisme rassemblé » – pourtant réaffirmé avec force dans le document d’orientation pour le 51e congrès de la CGT qui aura lieu en avril et au nom duquel la centrale syndicale n’a pas exigé le retrait de la réforme des retraites en 2010 – a été balayé en huit jours. Durement critiqué en interne après le communiqué intersyndical du 23, et voyant la mobilisation gonfler sur les réseaux sociaux et s’organiser dans ses unions départementales, l’exécutif confédéral s’est résolu à exiger le retrait du texte et à prendre en marche le train de la mobilisation du 9 mars tout en maintenant la journée du 31. Avec pour conséquence la division de l’intersyndicale qui, si elle prévient tout risque de couteau dans le dos d’une mobilisation en phase ascendante, donne aussi pour tâche aux militantEs d’entraîner dans l’action partout où c’est possible la base des organisations dites « réformistes », voire leurs structures locales.

La CFDT, quant à elle, rêve d’être l’arbitre entre le mouvement naissant et le gouvernement, qui a reporté la présentation de sa réforme devant le conseil des ministres sous la pression de la mobilisation, mais aussi parce que Laurent Berger lui a offert une porte de sortie temporaire. Elle est ensuite parvenue à faire accepter sa position – critiquer uniquement le plafonnement des indemnités accordées par les prud’hommes et la redéfinition du licenciement économique – à la CGC et à l’UNSA qui voient pourtant d’un mauvais œil la légalisation des référendums d’entreprise ou la relégation au second plan de la négociation de branche. Et comme par hasard, Valls indique que des bouger sont possibles uniquement sur les deux premiers points ! La ficelle est grosse, mais la CFDT est elle aussi sous pression et s’est vue contrainte d’appeler à des rassemblements ce 12 mars pour donner le change.

Un gouvernement sous pression

Outre l’accentuation des lignes de fracture dans le PS (cf. article dans l’Anticapitaliste n°326), le premier effet de cette nouvelle donne est le silence relatif du Front national. Après avoir pleinement profité des débats nauséabonds sur la déchéance de nationalité, le parti de Marine Le Pen se retrouve en terrain beaucoup moins stable pour lui. Il est en effet contraint de dire tout et son contraire : condamner la loi comme porteuse de « lourdes régressions sociales » pour plaire à l’électorat ouvrier et populaire qu’il a conquis ces dernières années, tout en regrettant dans le même temps que les petites entreprises ne puissent pas « appliquer cette dérégulation du code du travail » !

De son côté, le gouvernement est pressé par le patronat et par la droite, les rares parlementaires soutenant ouvertement le projet se trouvant pour le moment plutôt chez Les Républicains. L’espace politique de la droite est réduit tant le texte est régressif, et elle se limite à mettre Valls au défi d’aller jusqu’au bout, conditionnant son vote à la présentation en l’état du projet de loi. Le gouvernement ne peut donc faire trop de concessions à sa majorité et à la CFDT, sous peine de perdre des soutiens à droite qui pourraient être indispensables à l’adoption de la loi.

Faire éclater la crise politique qui couve

Mais, toutes « réformistes » qu’elles soient, la CFDT, la CFTC, la CGC et l’UNSA ne pourront se présenter la tête haute devant leurs équipes sans que le gouvernement ne lâche du lest. La CGC a d’ailleurs d’ores et déjà annoncé qu’elle se réservait la possibilité de se joindre à la journée du 31 mars.

La marge de manœuvre des uns et des autres est étroite, et l’équation pourrait se révéler insoluble pour le gouvernement, surtout si la mobilisation prend de l’ampleur. Outre la mobilisation montante dans la jeunesse, il y a là un autre point commun avec le mouvement contre le CPE : un exécutif et une majorité divisée, ce qui crée des conditions plus favorables pour une victoire.

Pour se construire et parvenir à faire éclater la crise politique qui couve, le mouvement qui s’amorce devra savoir rester indépendant des tractations des uns et des autres. C’est comme cela qu’il pourra indiquer la sortie à Hollande, Valls, El Khomri, Macron et Cie.

Le comité inspection du travail – Pôle emploi Île-de-France