Publié le Mercredi 6 janvier 2021 à 11h25.

Ubérisation : coursierEs bordelais, histoire d’une résistance collective

Depuis trois ans environ, des livreurEs bordelais sont en bagarre contre les plateformes Uber, Deliveroo et autres. Une résistance difficile à organiser mais qui tient la route. La détermination de quelques travailleurs a débouché sur la création en octobre dernier d’une coopérative, les Coursiers bordelais, sous la forme juridique d’une Scop.

Une entreprise donc créée pour garantir aux coursiers à vélo (ils et elles sont six salariéEs à ce jour) à la fois des conditions de travail et des rémunérations correctes. Ce qui n’est pas le cas pour toutes et tous ces livreurEs, travailleurEs non salariéEs, très précaires, sur-exploités, sans protection sociale, sous statut d’auto-entrepreneur ou de micro-entreprise.

S’organiser et résister

Le statut de salariéE n’est pas en soi une protection et un idéal, et cela de moins en moins depuis des années, mais on peut dire que ce qu’on appelle l’ubérisation du travail, qui voit des statuts de plus en plus individualisés et précaires, les patrons des plateformes s’émancipent quasi totalement de toute contrainte sociale, du code du travail et des protections élémentaires, aucune obligation de formation sécurité au travail (circulation sur les routes). Conséquence, poussés par les très faibles rémunérations, les livreurEs multiplient les courses, prenant toujours plus de risques, piégés dans une sorte d’auto-concurrence intensifiée entre travailleurEs, craignant en permanence d’être écartés de la distribution des livraisons.

Face aux dangers, face au mépris, il fallait bien s’organiser et résister. Il fallait pour cela tenter de créer des liens entre les dizaines, les centaines de livreurEs, éparpillés, isolés, non répertoriés. Il a fallu construire des actions, préparer des grèves, revendiquant à la fois des conditions de travail plus sécurisées et des rémunérations à l’heure et non plus à la tâche, faire reconnaître un minimum de droits sociaux. La bataille est rude car les plateformes ont une marge de manœuvre énorme, personne ne contrôle vraiment. Les gouvernements et pouvoirs publics laissent faire, encourageant de toute façon la libéralisation de l’économie.

Prendre ses affaires en main

Pour tenir, pour s’en sortir, finalement il n’y a pas d’autre choix que de résister par en bas, de prendre ses affaires en main, comme on dit. Et à côté des batailles pour leurs droits, en créant des sections syndicales par exemple, il y avait la volonté de montrer aussi qu’il y a une alternative aux plateformes et à la surexploitation. 

C’est comme ça que naissent les idées de coopératives militantes qui permettent à des livreurs de « s’émanciper » des « Uber » et de construire à côté des structures qui assurent le respect des travailleurEs, de la santé et de la sécurité au travail, qui défendent des conceptions collective et solidaires contre celles individuelles. En mettant en avant aussi des préoccupations écologiques par l’utilisation du vélo en ville.

Même si cela se passe dans un monde qui globalement se dégrade, la résistance s’organise et s’étend. Certes, des centaines de livreurEs (entre 800 et 1 400 sur la métropole bordelaise), en scooter ou à vélo, sont exploités et mis en danger par des dizaines de plateformes sans scrupule. Mais en face, des associations, des coopératives, des réseaux comme Coop-cycle se mettent en place. Et puis la lutte continue parmi les livreurEs ubérisés par des journées de grève comme celle programmée le jeudi 8 janvier.