Publié le Mardi 10 mai 2016 à 11h38.

La honte doit changer de camp : contre tous les Denis Baupin

La découverte des agissements de Denis Baupin, député écologiste et ex-vice président de l’Assemblée nationale lundi 9 mai au matin nous laisse un goût amer. Après la publication par France Inter et Mediapart d’un article dévoilant les témoignages de huit femmes, militantes ou ex-militantes à EÉLV, le « Baupingate » suscite des réactions diverses.

Après des mois de silence, ces femmes ont raconté les agressions physiques, les SMS insistants, le chantage effectué à leur encontre par Denis Baupin. Loin d’être des cas isolés, elles indiquent avoir perçu le problème comme un enjeu collectif, une pratique normale et normalisée pour l’homme politique qui usait de sa situation de pouvoir pour exercer sur ces femmes une oppression relevant du sexisme le plus abject. Rappelons-le : Denis Baupin n’est pas une brebis galeuse dont les textos « déplacés » seraient une pathologie, et ce type d’agression est connu de toutes les femmes.

Divulguer les comportements sexistes

À lire ces huit témoignages, on se sent mal à l’aise quand on voit le nombre de personnes potentiellement au courant de ses actes. Lorsque Cécile Duflot indique qu’il y a « beaucoup de Denis Baupin à l’Assemblée », comment ne pas appeler à la divulgation de ces comportements sexistes, comment ne pas vouloir destituer les harceleurs de leur piédestal ? À EÉLV et ailleurs, difficile de dire qui savait réellement ce que faisait Baupin...Toujours est-il qu’un réel débat sur le sexisme en politique est plus que nécessaire aujourd’hui pour en finir avec ces oppressions inacceptables. Un débat qui semble déplaire à Denis Baupin, qui, à l’image de Manuel Valls envoyant des SMS à BFMTV en plein plateau, a écrit à Mediapart le 9 mai pour demander au journal de retirer immédiatement ses accusations.

Présomption d’innocence, vraiment ?

Sur les réseaux sociaux, la présomption d’innocence de Baupin est défendue par beaucoup. Dans cette société patriarcale où la parole de la femme est invisibilisée et amoindrie, nous voulons qu’on présume avant tout que les victimes disent vrai. Surtout quand elles sont huit !

Cette affaire rappelle l’affaire DSK, et son traitement médiatique, mais elle rappelle aussi il y a quelques semaines l’accusation de harcèlement d’une journaliste à l’encontre du ministre Michel Sapin. Et nous n’en pouvons plus des excuses, de la banalisation, nous n’en pouvons plus du harcèlement, des agressions sexuelles, des violences. Il faut mettre en cause ces parlementaires qui, non contents de cautionner de telles pratiques, favorisent les oppressions de genre, comme récemment avec la suppression d’un amendement sur le harcèlement par le Sénat.

Pour l’autonomie et l’auto-organisation des femmes

Il faut également mettre en cause le fonctionnement des partis politiques à l’heure actuelle. Si le pouvoir peut renforcer la domination masculine, aucune organisation n’est exempte de ce type de rapport, aussi progressiste qu’elle soit. Il n’existe pas de milieu totalement imperméable au patriarcat, il n’existe pas de militantE émancipé à 100 %.

Ce paradoxe illustre le problème récurrent des hommes pro-féministes qui peuvent se révéler à leur tour des oppresseurs dans l’envers du décor. Si le soutien de nos alliés est une qualité importante de la lutte féministe, il faut une fois encore appeler à l’auto-organisation collective des femmes, qui seule permet d’échanger sur des oppressions qui nous touchent spécifiquement, profondément, et quotidiennement.

C’est dans des espaces de sûreté construits par nous-mêmes que nous nous réapproprierons le monde et la parole. Et c’est dans la bienveillance et l’empathie que nous souhaitons aux militantes écologistes qui n’ont pas osé parler tout comme à celles qui l’ont fait, un infini courage.

Jeanne Toutous