« L’affaire Baupin » est exemplaire à de nombreux égards. Tout d’abord, elle met en lumière toutes les caractéristiques des affaires de violences constamment dénoncées par les féministes. Ensuite elle soulève des questions sur les évolutions législatives et sociales.
Cette affaire est malheureusement très classique pour qui s’intéresse à la question des violences. Mais pour une fois, tout apparaît en pleine lumière.
Enfin sur le devant de la scène médiatique !
On trouve la difficulté à rompre l’omerta : tout le monde savait mais personne n’a rien dit, les victimes sont isolées et sans soutien, alors que le comportement de Baupin est largement connu. Celles qui parlent sont renvoyées à leur faiblesse de n’avoir pas su faire face, au fait qu’elles n’auraient pas compris la « drague », que ce n’est « pas si grave ».
On veut faire porter aux victimes la responsabilité des conséquences sociales sur l’agresseur sans évoquer un seul instant les conséquences des agressions sur les femmes. Par exemple, D. Voynet ose dire : « Peut-être qu’il a commis ces gestes, mais est-ce que ça valait ce déchaînement et cette mort sociale ? »
On retrouve la solidarité de groupe pour défendre la structure, que ce soit un parti ou une entreprise : celle qui accuse la met en danger via-à-vis de l’extérieur, en salit l’image.
Il y a aussi la peur de perdre son emploi, réelle pour les attachées parlementaires comme pour n’importe quelle salariée, et la peur d’être attaquée politiquement pour les militantes.
L’impunité des agresseurs apparaît inattaquable puisque, bien que tout le monde soit au courant, leurs positions ne sont pas remises en cause. Et même dans les cas où les femmes ont dénoncé les violences, ce sont généralement les victimes qui changent de poste, perdent leur emploi, quittent leur organisation politique, les responsables restant à leur place, souvent blanchis par l’institution judiciaire.
Il y a la honte des victimes parce que l’agression remet en cause l’intégrité morale et/ou physique. Cet aspect est renforcé dans les organisations qui se revendiquent du féminisme, où les femmes sont supposées être aussi « fortes » que les hommes à tous points de vue, ce qui est vécu comme contradictoire avec le fait d’être victimes de violences sexistes. À la honte de ne pas avoir su repousser l’agression s’ajoute celle de ne pas oser parler.
Pour couronner le tout, Baupin n’hésite pas à attaquer pour diffamation les femmes qui l’ont dénoncé et les journalistes qui ont mené l’enquête. Cette contre-attaque est également un classique de la défense des agresseurs.
Des évolutions urgentes
Cette affaire pose la question du délai de prescription. On sait que les victimes ont besoin de temps, parfois de nombreuses années pour arriver à dénoncer les violences. Les délais ont récemment été doublés mais cela reste insuffisant dans certains cas. Quoiqu’il en soit, l’ardoise des violences faites aux femmes ne peut être effacée simplement par le temps d’autant plus que le sentiment d’impunité s'en trouve largement renforcé.
Elle pose la question de la libération de la parole. Dans la foulée de l’affaire Weinstein, le mouvement #Metoo a contribué à donner une légitimité aux accusations portées par les femmes et à la dénonciation des violences sexistes de manière générale. Espérons que l’affaire Baupin contribue dans le même sens, malgré le classement pour prescription. De ce point de vue le jugement qui doit être rendu en avril sera très important.
Dans la vague de cette libération de la parole, la construction d’un rapport de forces qui permettra réellement d’en finir avec les violences sexiste est à l’ordre du jour.
Commission nationale d’intervention féministe