Publié le Dimanche 7 janvier 2018 à 14h33.

#MeToo : une fin d’année féministe pour recréer des solidarités

Retour sur l'année 2017. L’affaire Weinstein aura marqué la fin de l’année 2017. Véritable tsunami dans la sphère hollywoodienne, où les agresseurs tombent à présent comme des mouches, même si l’on constate avec amertume que certains sont passés entre les mailles du filet et sont encore bien présents dans les sphères de pouvoir, elle a entraîné un mouvement de libération de la parole de celles qui subissent au quotidien les violences sexistes. 

En France aussi, la parole des femmes s’est libérée. Derrière la déferlante #MeToo, ce qui est devenu visible c’est que la violence n’est en rien une relation d’individu à individu, mais une violence structurelle, systémique. 

Les violences sexistes se retrouvent dans toutes les sphères de la société et dans l’ensemble des classes et groupes sociaux. Dans la rue, dans les transports en commun, dans le cadre de la famille, dans le cadre du couple hétérosexuel (35 % des violences sexuelles) et bien sûr dans le cadre du travail. Des violences qui sont intrinsèquement liées au système patriarcal, et renforcées par les rapports de pouvoir du capitalisme. 

Car l’affaire Weinstein c’est aussi le harcèlement d’un patron sur ses employées, qui montre bien que capitalisme et patriarcat sont les deux faces d’une même pièce. 

Ces violences sont très rarement condamnées (seulement 2 % des viols en France), et peuvent être meurtrières : en 2016, 123 femmes sont mortes, en France, sous les coups de leur conjoint. Ces violences sont des violences de genre : 96 % des violeurs sont des hommes et 91 % des victimes sont des femmes.

MeToo dans la rue !

Des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes de France le 29 octobre. À Paris, nous étions près de 3 000 sur la place de la République. À la suite de ce rassemblement réussi, nous avons commencé à nous réunir en Assemblée MeToo afin de préparer le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes, mais aussi de construire un mouvement féministe contre les violences sexistes sur la durée. Ces assemblées ont été une réussite, puisque nous nous sommes retrouvées à trois reprises à plus de 100 personnes, en formant des groupes de travail, des ateliers thématiques, mais aussi en permettant d’avoir une dynamique militante autour de la contruction d’un rapport de forces dans la rue. 

La manifestation du 25 novembre à Paris a réuni elle aussi entre 2 000 et 3 000 personnes, ce qui peut sembler peu, mais qui est largement supérieur aux années précédentes. L’assemblée MeToo a proposé un cortège auto-organisé de plus de 300 personnes. C’est certes loin d’être suffisant, et nous pouvons dire en cette fin d’année que nous sommes très loin d’un mouvement féministe de masse. Mais il faut regarder d’où nous partons : si le mouvement féministe existe bel et bien en France, il est largement divisé. De nouveaux liens de solidarité entre les opprimées ont été construits, et commencent à émerger des groupes de parole, de réflexion, d’action : une nouvelle génération militante, étape dans la reconstruction du rapport de forces. 

Des petits pas 

On parle désormais de l’inversion de la charge de la preuve en matière de justice. La Suède est en train de changer la législation sur le viol : les nouveaux critères ne seront plus la surprise, la contrainte physique ou la menace, mais le caractère explicite du consentement. Évidemment un changement législatif ne réglera pas tout, mais ce sont des petits pas qui montrent à quel point la vague a eu un impact, même à l’intérieur des États bourgeois et d’une justice de classe. 

En France, Emmanuel Macron avait choisi la date du 25 novembre pour lancer la « grande cause nationale » contre les violences faites aux femmes. Au programme : une prétendue augmentation du budget, des modules pour une éducation non sexiste, une extension du délai de prescription et de l’âge du consentement, un renforcement de l’appareil répressif, des unités hospitalières dédiées aux violences… Des annonces qui sont de l’affichage, quand elles ne sont pas des attaques lorsque Macron profite de l’occasion pour renforcer l’arsenal policier alors que les flics sont aussi des agresseurs, et que toutes les femmes qui ont été victimes de violences ont eu peur de porter plainte. 

Vers un changement de société

Mais ces annonces montrent que l’impact du mouvement a été tel qu’il a fallu y répondre. Que se passerait-il si, au lieu d’être quelques milliers dans les rues, nous étions la prochaine fois des centaines de milliers ? Car il n’y aura pas de raccourci possible : c’est bien d’un mouvement de masse dont nous aurons besoin pour gagner. 

La faiblesse du mouvement féministe en France n’est pas une fatalité : en Argentine et en Italie ont ainsi émergé des mouvements féministes de masse, portés par de nouvelles générations. Mais dans le mouvement féministe comme ailleurs, il faut reconstruire patiemment, en prenant des initiatives pour faire émerger, entre autres, des états généraux qui remettraient tout à plat. 

Les violences sexistes, l’oppression des femmes en général, ne sont pas une fatalité. Mais nous n’obtiendrons aucune égalité réelle sans changer de système, car le système capitaliste a tout intérêt à maintenir les femmes opprimées : tâches ménagères gratuites, division du travail, division de notre classe. 

Construire une société émancipatrice, c’est construire une société débarrassée des rapports d’exploitation et d’oppression, qu’elle soit patriarcale ou raciste, et donc renverser le système capitaliste et patriarcal : le combat féministe doit être partie intégrante du combat des anticapitalistes. 

Mimosa Effe