Poussé par la libération de la parole des femmes ces dernières semaines et par le début d’une mobilisation sur les questions de violences sexistes, Emmanuel Macron a choisi le 25 novembre pour faire ses annonces et lancer sa grande « cause nationale ».
Au programme : augmentation du budget, éducation non sexiste, augmentation du délai de prescription et de l’âge du consentement, renforcement de l’appareil répressif, unités hospitalières dédiées aux violences, harcèlement au travail… Les annonces de Macron semblent ambitieuses et on nous promet des changements dès 2018. Les féministes auraient-elles tout obtenu ? On peut en douter.
Car le point essentiel, lorsque l’on veut mettre en place une politique ambitieuse, c’est qu’elle doit s’accompagner d’un budget en conséquence. Or il n’en est rien. Dès son discours annonçant un « budget porté à son plus haut niveau », des féministes comme Caroline De Haas avaient dénoncé la manipulation : le budget sera de 30 millions d’euros contre 29,81 millions d’euros auparavant, soit 0,006 % du budget total de l’État… Un peu maigre pour une « grande cause nationale ».
Le gouvernement argue qu’il y aura 420 millions de budget transversal (sur les questions d’égalité provenant de différents ministères). Pour se faire une idée, on parlait de 397 millions d’euros en 2017… Or, pour des unités hospitalières spécialisées ou des modules non sexistes dans l’éducation, il faut un réel budget, comme pour faire du harcèlement au travail la priorité de l’inspection du travail.
Contre l’instrumentalisation
De qui Macron se moque-t-il ? Lui qui n’a cesse de détricoter le droit du travail, aggravant les conditions de travail en particulier pour les femmes. L’application des ordonnances, avec la suppression des CHSCT, et la destruction de la médecine du travail, va encore empirer la situation des femmes sur la question du harcèlement. La poursuite des attaques contre la fonction publique, notamment l’Éducation nationale et les hôpitaux, rend ces annonces particulièrement caduques.
Par ailleurs, même avec un budget suffisant, les constructions d’unités hospitalières pour les femmes en situation de violence sont loin d’être suffisantes : c’est d’un véritable service public d’aide, d’accompagnement et d’hébergement dont nous avons besoin, aujourd’hui partiellement pris en charge par des associations féministes en manque criant de budget.
Sur les questions de justice, l’augmentation du délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineurEs et de l’âge du consentement est certes une avancée, mais tellement insuffisante : pourquoi ne pas augmenter le délai de prescription pour touTEs, alors même que l’on sait que les femmes en situation de violence mettent des années avant de porter plainte, en partie parce qu’elles ne trouvent pas d’accompagnement suffisant et en raison des troubles engendrés par la mémoire traumatique ?
Enfin, le renforcement de l’arsenal répressif constitue, de notre point de vue, une attaque : nous n’oublions pas que les flics agressent et violent, que toutes les femmes qui se sont un jour ou l’autre retrouvées en situation de violence ont eu peur de porter plainte. Nous devons refuser l’instrumentalisation du féminisme à des fins de répression, a fortiori à des fins racistes.
Si ces annonces ne constituent pas une solution face aux violences sexistes, nous pouvons néanmoins voir que le début de mobilisation a commencé à inquiéter le gouvernement Macron. Que se passerait-il si au lieu d’être quelques milliers dans les rues nous étions la prochaine fois des centaines de milliers ?
Un rapport de forces à construire
La manifestation du 25 novembre n’aura pas réuni les foules. Pourtant, nous devons rester positifEs et voir d’où nous partions. À Paris en 2016, on parlait de quelques centaines de personnes. Cette année, ce sont plus de 2 000 personnes qui ont manifesté, dont plusieurs centaines dans les cortèges combatifs de la batucada féministe de « Ni Una Menos » et du cortège auto-organisé de l’Assemblée MeToo, derrière la banderole « de #MeToo à #WeTooGether », avec des slogans appelant à renverser le patriarcat. Le soir, une 3e assemblée s’est tenue à l’Espace des femmes, réunissant une nouvelle fois une centaine de personnes.
Cela montre une dynamique, encore trop faible, mais réelle autour du combat contre les violences sexistes. Lors de cette assemblée, deux perspectives ont commencé à se dessiner : la construction d’une date de manifestation nationale en janvier, et le fait de lancer des états généraux féministes autour du 8 mars. Une prochaine assemblée se tiendra le lundi 4 décembre, et ce type de structure d’auto-organisation devrait être construit partout ! En Italie, le mouvement « Non Una Di Meno » a réuni, le 25 novembre, 150 000 personnes dans les rues de Rome, démontrant qu’il est possible de construire un mouvement de masse sur ces questions.
Mimosa Effe