Nouveau « document politique » et nouvelle direction au Hamas, visite de Mahmoud Abbas à Washington, poursuite de la grève de la faim des prisonniers… L’actualité palestinienne a été chargée ces dernières semaines.
Abbas à Washington : rien de nouveau sous le soleil
La visite de Mahmoud Abbas à Washington le 3 mai n’a pas fait grand bruit. Et pour cause… Les annonces faites par le président palestinien (dont le mandat est fini depuis 2009) et par Donald Trump ressemblent à une énième répétition de ce que l’on entend depuis plus de deux décennies. Tandis que Mahmoud Abbas condamnait l’occupation et signifiait son attachement à la paix, à la négociation et à la « solution à deux États », Trump faisait part de son intention de résoudre rapidement le « conflit » en agissant comme « facilitateur » entre les deux parties.
Rien de nouveau sous le soleil donc, et l’on ne pourra s’empêcher de souligner la vacuité de ce genre de rencontre et de déclaration, a fortiori lorsque l’on sait que dans le même temps Trump a nommé au poste d’ambassadeur des États-Unis en Israël David Friedman, un fervent partisan de la colonisation, et qu’il a assuré Benjamin Netanyahou, à la tête d’une coalition de droite et d’extrême droite dont les volontés de paix ne sont plus à prouver (!), de son plein soutien…
Sur le plan diplomatique, la farce se poursuit donc, et l’on pourrait, si la situation sur le terrain n’était pas aussi tragique, sourire aux déclarations d’Abbas qui a salué, entre autres, la « sagesse », le « courage » et la « grande capacité de négociation » de Trump.
Le nouveau « document politique » du Hamas : une rupture ?
Quelques jours avant la visite de courtoisie d’Abbas, le Hamas rendait public un nouveau « document politique » témoignant d’une considérable modération de ses positions, jusqu’alors exprimées dans sa charte de 1988. On peut ainsi y lire que le Hamas tout en poursuivant l’objectif de la libération de « toute la Palestine », considère l’établissement d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, avec droit au retour pour les réfugiés, comme un projet représentant un « consensus national ».
Autre élément notable : les référents antisémites de la charte de 1988 ont disparu, et le Hamas affirme être en conflit avec « le projet sioniste et non avec les juifs en raison de leur religion ».
On notera également que le Hamas ne se présente plus comme la « branche palestinienne des Frères musulmans » mais comme « un mouvement palestinien national et islamique de résistance et de libération », qu’il reconnaît la légitimité de l’OLP comme « cadre national » pour les Palestiniens, qui doit être « préservé » mais « reconstruit sur des bases démocratiques », et enfin que le mouvement, tout en soulignant la centralité de la résistance armée, prône la « diversification » des moyens de lutte.
Parallèlement, une nouvelle direction a été élue, avec Ismaïl Haniyeh, « Premier ministre » de Gaza, comme successeur de Khaled Mechaal à la tête du mouvement.
Loin des rivalités, une grève de la faim historique
Loin d’être une rupture, ce nouveau « document politique » correspond davantage à une mise en conformité des textes avec l’évolution pragmatique du Hamas, amorcée il y a plus de 10 ans avec sa participation (et sa victoire) aux élections législatives. La normalisation du mouvement se poursuit donc, non sans certains remous en interne, et l’on doit lire ce nouveau texte comme l’expression de sa quête de légitimité internationale alors qu’il est particulièrement isolé dans une bande de Gaza elle-même coupée du monde en raison du blocus maintenu. Il s’agit notamment, en retirant la référence aux Frères musulmans, de normaliser les relations avec le puissant voisin égyptien dont la détestation pour la confrérie n’est plus à démontrer. Il s’agit aussi de se poser en alternative « crédible » à un Mahmoud Abbas en bout de course, sans soutien dans la population et qui tente pourtant par tous les moyens de se poser en « seul représentant légitime » des Palestiniens, quitte à punir les partisans du Hamas, avec par exemple, fin avril, une baisse drastique des salaires des fonctionnaires dans la bande de Gaza.
Des rivalités qui ne servent guère la lutte nationale, à l’heure où une grève de la faim historique de 1 500 prisonniers politiques entamée le 17 avril dernier, se poursuit sans que les deux principaux appareils palestiniens ne lui donnent le soutien, l’écho et la visibilité qu’elle mériterait. Notre solidarité va bien évidemment à ces prisonniers de toutes obédiences politiques et à une population qui, loin des rivalités entre appareils, se mobilise à leur côté.
Julien Salingue