Quand, au printemps dernier, la crise sanitaire a explosé en Italie, les patrons ont exercé de terribles pressions pour que l’économie ne s’arrête pas. Il fallait maintenir les profits, même si cela signifiait envoyer au massacre les travailleurEs, en mettant en danger la santé de secteurs entiers. Ces mêmes patrons, en grande partie ceux de la métallurgie, qui ont fait passer leurs intérêts avant notre santé, veulent maintenant qu’on règle l’addition sur le plan économique et salarial.
L’addition a pourtant déjà été payée par la majeure partie des travailleurEs, entre le chômage technique (qui, en Italie, ne couvre en moyenne qu’un peu plus de la moitié du salaire) et les centaines de milliers de licenciements de précaires.
La Confindustria (le Medef italien) a déclaré la guerre aux syndicats, par l’intermédiaire de son président, Bonomi, nouvellement élu ; le nouveau « faucon » des industriels a attaqué de façon explicite les conventions collectives nationales qui, en Italie, sont, historiquement, le principal instrument de la fixation des salaires, mais aussi de celle des droits, des heures et des conditions de travail (chez nous, en fait, il n’existe pas de loi sur le salaire minimum et ce sont de fait les conventions nationales qui fixent les minimums salariaux).
« Pacte pour l’Usine »
La Confindustria, au départ, bénéficie d’un avantage vu que, ces dernières années, les conventions collectives se sont peu à peu affaiblies et qu’elles ont, aujourd’hui, déjà perdu une grande partie de leur force historique, à cause des continuels renoncements des organisations syndicales confédérales mais aussi de la précarisation toujours croissante du monde du travail et de sa fragmentation en contrats d’entreprise et en contrats de sous-traitance.
En 2018, la Confindustria a fait une bonne affaire en proposant un nouveau type de contrat (le « Pacte pour l’Usine »)1 qui encadre de fait les salaires, en les indexant sur l’inflation (par ailleurs allégée des coûts énergétiques, et donc moindre que celle qui pèse vraiment sur ce que les travailleuEs se mettent dans la poche).
Ce sont les métallurgistes qui ont subi l’entièreté de ce modèle contractuel : en quatre ans, leurs salaires mensuels n’ont augmenté que de 40 euros, ce qui est encore moins que les ajustements prévus pour les retraites.
Mais, pour touTEs les travailleurEs, le moment est venu de régler les comptes avec la Confindustria qui demande le respect du « Pacte pour l’Usine » sur les salaires, alors qu’elle remet en cause la nature même de la relation de travail et du lien entre salaire et horaire de travail, profitant notamment de la diffusion, provoquée par le Covid, du smartworking (dans l’urgence, c’est-à-dire sans règles) et de la dangereuse déstructuration des conditions de travail que celui-ci risque d’entraîner.
Ce moment d’affrontement concerne environ 10 millions de travailleurEs qui attendent le renouvellement de leur convention nationale, certainEs avec des retards de plusieurs années, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.
Une riposte globale à construire
L’enjeu est donc important et ne concerne pas que les salaires et les droits de 10 millions de travailleurEs, mais aussi le rôle même de la convention de travail nationale dans une situation très compliquée, à cause de la crise économique mais aussi vu les difficultés de mobilisation et de l’activité syndicale elle-même à cause des mesures anti-Covid (faire des assemblées sur les lieux de travail est devenu difficile). Tout cela alors que de plus en plus plus d’établissements vont jusqu’à annuler la négociation d’entreprise.
Quelques secteurs ont déjà pris des initiatives et annoncé des mobilisations mais, pour le moment, le point de conflit le plus important est celui des métallurgistes. Depuis quelques jours, Federmeccanica (l’association des patrons de la métallurgie) a rompu la négociation qui était en cours depuis presque un an et qui avait été stoppée pendant des mois à cause du Covid. Le conflit porte explicitement sur la question salariale. D’un côté, les patrons qui ne veulent pas accorder de véritables augmentations mais seulement des avantages sociaux et « humains » locaux, en renvoyant la négociation au niveau de chaque usine. De l’autre, les trois principaux syndicats qui, de façon pour le moment unitaire, demandent enfin de vraies augmentations, pour un secteur dont les salaires, depuis cinq ans, sont pratiquement bloqués.
Les syndicats ont déclaré l’ « état d’agitation » (blocage des heures supplémentaires) et appelé à une grève de quatre heures le 5 novembre, grève pouvant aller jusqu’à huit heures là où les conditions le permettent. Il ne sera pas facile de créer un climat de lutte, mais les « salopettes bleues » recommencent enfin à se mobiliser.
Ce qui serait surtout utile aujourd’hui, ce serait une initiative d’ensemble de toute la confédération, pour regrouper toutes les oppositions concernant les conventions de travail, unifier les initiatives de luttes isolées et créer un climat de mobilisation générale de l’ensemble du monde du travail, en réaction à l’attaque massive de la Cofindustria.
Traduction Bernard Chamayou
- 1. L'accord entre les syndicats et la Confindustria sur le « nouveau modèle de relations contractuelles et industrielles » a été signé le 28 février 2018 (NDT).