En juin 2015, il y a déjà eu plus de grèves en Allemagne que sur l’année 2014. Et aucun des conflits entamés n’est terminé...
Chez les cheminotEs, le syndicat majoritaire EVB (membre de la confédération DGB) avait signé un accord qui ne va guère plus loin que ce que proposait le patronat, sans rien sur le temps de travail. Le GDL, syndicat minoritaire qui a récemment mené 7 jours de grève, attend la fin d’une médiation. Si le résultat n’est pas satisfaisant, il y aura consultation des adhérentEs, et le mouvement pourrait redémarrer. Si le GDL obtient mieux que l’EVB, ce sera valable pour l’ensemble du personnel. Pour cette raison et parce qu’en toile de fond, il y a la volonté du gouvernement de restreindre le droit de grève en privant les syndicats minoritaires du droit de négociation, il est difficilement imaginable que le GDL cède.Pour les postierEs, après des grèves « d’avertissement », la grève « pour de bon » a démarré. Au cœur du conflit, l’exigence de mêmes contrats pour les distributeurs de colis travaillant formellement pour des « firmes étrangères ». Là encore, un compromis facile est peu imaginable, car la poste privatisée veut encore plus de profits. Dans sa logique, demain d’autres secteurs postaux seront sur la sellette !Ailleurs, chez les éducatrices de la petite enfance et les travailleurs sociaux, après quatre semaines de grève, le travail a repris pour la période de médiation. Ce pourrait bien être provisoire. Le patronat – l’association des communes – argue du vide des caisses publiques. Avec le syndicat des services publics Verdi (le même que les postierEs), les éducatrices veulent une revalorisation de 10 % pour s’aligner sur les employéEs de qualification semblable. Il y a aussi bien des grèves dans d’autres secteurs...
Riposter à l’offensiveD’où vient cette rupture avec la passivité récente ? Tout d’abord, la grande coalition de la CDU de Merkel avec le SPD n’a presque rien rapporté aux salariéEs. Le salaire minimum connaît tellement « d’exceptions » qu’il n’améliore le sort que d’un très petit nombre de gens. La déception est donc grande, au point que des fissures apparaissent entre le SPD et les directions syndicales, même les moins combatives...D’autre part, et c’est probablement plus profond, il y a une colère retenue depuis longtemps et un sentiment de rancune diffus. C’est surtout sensible dans les services, dans cette large couche victime des privatisations, là où l’on fait l’expérience de situations dégradées. Il s’agit d’une tendance lourde, les conflits sociaux s’exacerbant en réaction à une offensive patronale et gouvernementale qui attaque avec détermination et férocité ce qui reste des acquis du salariat.Nous sommes encore loin de l’heure des bilans. Les luttes connaissent une tendance ascendante : 25 000 manifestantEs contre l’inauguration du siège de la Banque centrale européenne à Francfort, cela en pleine semaine. 40 000 personnes contre le sommet du G7 en Bavière. Et pour ce 20 juin, Attac table sur 100 000 personnes à Berlin pour protester contre la façon dont la troïka traite le peuple grec et les réfugiéEs, et même si ce chiffre est optimiste, on peut s’attendre à une manifestation de masse.Oui, la situation est en train de changer.
De Berlin, Manuel Kellner