Le Cachemire est situé à l’extrémité occidentale de l’Himalaya. Frontalier de l’Afghanistan, ce territoire est aujourd’hui divisé : sous administration et occupation indienne au centre et au sud du pays, pakistanaise au nord-ouest et chinoise au nord-est.
En 1947, lors de la partition de l’Empire des Indes britannique (opérée selon une logique confessionnelle), la grande majorité de sa population étant musulmane, il aurait dû être intégré au Pakistan. Mais il était alors un « État princier » vassalisé par Londres et dirigé par un maharaja hindou, étranger, prêt à opter pour l’Inde.
C’est dans ce contexte qu’éclata la première guerre indo-pakistanaise, le cessez-le-feu laissant place à une ligne de démarcation (et non à une frontière reconnue par traité). Aujourd’hui, l’Inde contrôle l’État du Jammu-et-Cachemire, et le Pakistan l’Azad Cachemire et le Gilgit-Baltistan. Quant à la Chine, elle a pris possession de l’Aksa Chine et de la vallée de Shaksgam.
Gilgit-Baltistan, la pression chinoise
L’influence de la Chine au Pakistan est très importante, mais pendant longtemps elle n’a pas provoqué de tension ouverte au Cachemire. La situation change. La politique de « mise en valeur » des confins himalayens par Pékin a créé une nouvelle donne à la frontière pakistanaise...
Un « corridor économique » est en chantier qui doit relier Kashgar (dans le Xinjiang chinois) au port pakistanais de Gwadar, sur la mer d’Arabie. L’inquiétude de la population est vive au Gilgit-Baltistan, confrontée à de gigantesques travaux d’infrastructure et à une mainmise chinoise grandissante.
Jammu-et-Cachemire, une occupation militaire brutale
Mais c’est côté Inde que la situation est aujourd’hui la plus dramatique. Des mouvements irrédentistes réclament le rattachement au Pakistan, et quelques autres la reconstitution d’un État indépendant. La situation n’a jamais été pacifiée. Les armées se font face sur 120 km de front. Les services secrets poursuivent des opérations de déstabilisation avec l’aide, côté pakistanais, de mouvements islamistes radicaux. New Delhi n’a jamais organisé le scrutin d’autodétermination promis en 1948, sa politique se réduisant pour l’essentiel à une tentative d’intégration forcée.
Les racines de la résistance populaire à l’occupation indienne sont avant tout endogènes. L’exécution sommaire en juillet dernier de Burhan Wani, un commandant du Hizbul Mujahideen, a une nouvelle fois mis le feu aux poudres. Depuis, une chape de plomb s’est abattue sur le territoire. Quadrillage militaire, terreur d’État, médias muselés, assassinats, viols, pouvoirs spéciaux accordés à l’armée et impunité garantie aux corps de répression, campagne de haine contre les Cachemiris alimentée en Inde via les réseaux sociaux, mobilisation de l’idéologie hindouiste radicale pour identifier tout musulman à un terroriste…
Les Cachemiris se retrouvent otages du jeu de trois puissances régionales, soumis à une occupation militaire brutale dans le Jammu-et-Cachemire. Le plus urgent est d’assurer, côté indien, une aide aux victimes de la terreur d’État, de sanctionner les exactions commises par les militaires et paramilitaires et de réunir enfin les conditions de l’exercice du droit d’autodétermination, avec notamment la démilitarisation du territoire et la restauration de la liberté de la presse.
Pierre Rousset