Publié le Mercredi 8 octobre 2025 à 10h03.

Asie du Sud : Révoltes sociales et enjeux environnementaux

Depuis le soulèvement populaire de 2022 au Sri Lanka qui a chassé le président Rajapaksa, l’Asie du Sud est balayée par une vague de révoltes qui ont fait chuter trois gouvernements et menacent la plupart des régimes.

 

Portée par la jeunesse (la génération Z), elle mobilise l’ensemble des populations victimes de situations économiques et environnementales dégradées, d’inégalités sociales croissantes, de pénuries d’eau et d’électricité, et de la corruption endémique des élites qui accaparent le pouvoir.

La répression ne contient pas l’extension de la contestation

Une répression brutale tente de maintenir le couvercle sur la colère populaire mais ne parvient pas à contenir la propagation du mouvement. Après l’Indonésie, cette année c’est le Népal qui s’embrase, au propre comme au figuré, puisque les principaux lieux du pouvoir ont été incendiés.

La contestation des gouvernements est contagieuse : les Philippines, le Cachemire pakistanais et le Timor oriental sont touchés ces dernières semaines.

Au-delà des contextes particuliers d’apparition et de déroulement des soulèvements, ces pays (près de 900 millions de personnes) partagent la même vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes et sont victimes de la prédation extractiviste des groupes occidentaux et chinois. Les protestations récentes soulèvent des enjeux écologiques majeurs liés à l’exploitation des ressources, à la corruption et à la dépossession des biens communs.

Des enjeux écologiques majeurs

Les causes environnementales sont nombreuses : inondations massives aux Philippines, au Pakistan ou au Bangladesh, fonte accélérée des glaciers de l’Himalaya qui bouleverse les systèmes hydrologiques. Les températures dépassent parfois les 50 °C, diminuent les rendements agricoles et favorisent la désertification, comme au Timor oriental.

Face aux catastrophes climatiques, les gouvernements poursuivent des politiques de croissance basées sur l’exploitation intensive des ressources naturelles (mines, forêts, hydrocarbures) et le développement d’infrastructures financées par des capitaux étrangers. La riche biodiversité de l’Indonésie est menacée par la multiplication des mines, la monoculture de palmiers à huile, et l’exploitation forestière… Dans tous ces territoires, les projets miniers entraînent pollution, déforestation et conflits fonciers. Ils s’accompagnent souvent de déplacements de population.

Ces pratiques extractivistes à grande échelle créent des richesses dont ne profite qu’une minorité. Les rentes issues des ressources exploitées sont captées par des élites militaro-bureaucratiques qui bénéficient de privilèges hors de proportion, plutôt qu’elles ne sont utilisées dans les services publics ou les mesures d’adaptation aux nouvelles conditions climatiques. La corruption se manifeste souvent par le détournement massif de fonds publics destinés à la protection contre les inondations et la reconstruction écologique (ce qui a motivé les 100 000 manifestantEs du 21 septembre à Manille).

Un système de prédation et d’exploitation néocoloniale

La dégradation continue des conditions de vie et de travail est le résultat de ce système de prédation et d’exploitation néocoloniale, dont les élites locales sont les complices. Les luttes que mènent les jeunes, les travailleurEs ou les peuples autochtones pour le partage du pouvoir et la justice sociale sont étroitement liées aux revendications de justice climatique et environnementale. Elles en expriment la dimension sociale fondamentale : le refus de l’exploitation des humains et de la nature. Elles révèlent la crise d’un modèle extractiviste fondé sur la privatisation des biens communs et la corruption institutionnalisée.

Dominique B.