Depuis fin août, une vague de mobilisations secoue l’Indonésie. Partie d’un rejet de la corruption et de l’enrichissement de l’élite, la révolte a pris de l’ampleur après la mort d’un jeune chauffeur percuté par un blindé de la police. Brutalement réprimé, le mouvement dénonce la militarisation du régime de Subianto et l’aggravation des inégalités sociales.
Immense archipel de 2 millions de kilomètres carrés, l’Indonésie est le 4e pays le plus peuplé, 290 millions d’habitantEs, dont la très grande majorité est musulmane. Elle joue un rôle majeur au sein des pays du Sud et vient de rejoindre le groupe des BRICS. Contre une augmentation abusive des salaires des parlementaires, une large mobilisation s’y est déployée depuis le 25 août.
Contre un système de corruption
C’est tout le système de corruption de l’élite au pouvoir qui était visé par les manifestantEs. La mort d’un chauffeur de mototaxi, Affan Kurniawan, 21 ans, percuté par un véhicule blindé de la police , qui lui a roulé dessus, a radicalisé le mouvement. La mort d’Affan a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Il faisait partie des 3 millions de chauffeurs en ligne, travailleurs informels mais essentiels à la mobilité dans les agglomérations. Le mouvement s’est rapidement répandu dans l’ensemble des régions. La réaction du gouvernement a été d’une particulière brutalité : dix morts, une vingtaine de disparus et plus de 1 680 arrestations.
Coupes sociales et militarisation
La détérioration continue des conditions de vie et les coupes budgétaires dans la santé et l’éducation sont la source de cette révolte populaire. Les dépenses publiques consacrées à la défense explosent : en mars, deux sous-marins français ont été commandés à Naval Group, et le président Subianto a signé à Paris, lors du défilé du 14 Juillet, un accord pour l’acquisition de nouveaux avions de combat Rafale. Surtout, les étudiantEs, les femmes de l’Alliance des femmes indonésiennes (API) et les travailleurEs redoutent que le régime se durcisse et que la militarisation de la sécurité publique se renforce. Une inquiétude ravivée par un projet de loi qui marque le retour d’une pratique héritée de l’ère du dictateur Suharto (1967-1998) : autoriser les militaires à occuper des postes civils sans quitter l’uniforme.
Une répression brutale
Le président Prabowo Subianto a donné l’instruction explicite aux soldats de réprimer les émeutes, un signal alarmant. Prabowo est le gendre du dictateur Suharto, responsable du massacre du PKI, un des plus grands partis communistes de la fin des années 1960. En 1965-66, près de 2 millions de membres du parti ou de personnes proches ont été massacréEs.
Un quadrillage militaire et policier impressionnant a forcé le retour au calme dans les rues de Jakarta. Ce n’est que partie remise. La corruption, la militarisation de la société, le creusement des inégalités et le développement de la pauvreté continueront à aggraver la colère populaire.
Cette révolte est un premier avertissement contre le glissement inquiétant d’un régime où l’apparence démocratique masque un contrôle renforcé des libertés publiques.
Comme un symbole, malgré la situation sociale tendue dans son pays, le président Prabowo Subianto a paradé le 4 septembre sur la place Tiananmen, aux côtés de trois des dirigeants les plus autoritaires de la planète : Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un.
Dominique (Tarn-sud)