Publié le Mardi 9 mars 2021 à 12h25.

Au Brésil, Lula de nouveau dans la course

Le point de vue « à chaud » de Roberto Robaina, dirigeant du PSOL et du Movimento Esquerda Socialista (MES), rédacteur en chef de la Revista Movimento et conseiller municipal de Porto Alegre.

C’est une victoire démocratique que Lula ait vu ses droits politiques rétablis. Dans un pays où un criminel occupe la fonction de président de la République et où d’innombrables hommes politiques impliqués dans des affaires de corruption dirigent un État pourri, les condamnations de Lula n’étaient rien d’autre qu’une décision politique : celle de ne plus accepter sa participation, quelle qu’elle soit, aux instances du pouvoir de l’État bourgeois. Sachant, en outre, que Lula avait une chance de gagner en 2018, Moro [le juge qui a emprisonné Lula et qui est devenu ministre de Bolsonaro] et le STF [Tribunal suprême fédéral] ont décidé de l’empêcher de participer à l'élection.

Les prochain mois seront très incertains

Lula peut maintenant agir librement. C’est une condition fondamentale pour tester la capacité de tous les secteurs de l’opposition à organiser la confrontation contre la tragédie que représente Bolsonaro. Lorsque Lula a été libéré, cette lutte a commencé. Mais nous savons que l’opposition politique et parlementaire n’a pas été jusqu’alors en capacité de prendre des initiatives suffisantes pour modifier le rapport de forces face au gouvernement. Quand cela s’est produit, c’est l’opposition sociale qui a fair ce travail, que ce soit le mouvement étudiant en 2019, avec les mobilisations de mai, ou en 2020, les manifestations antifascistes d’avril. Tout cela sans participation significative des partis de la gauche traditionnelle.

Les divisions de la bourgeoisie ont été un autre frein au projet bolsonariste de changement de régime politique et d’imposition de l’autoritarisme comme trait dominant de la situation nationale. Mais nous savons que la bourgeoisie s’est en fin de compte rendue complice du bolsonarisme. Ses divisions ont de l'importance, mais le facteur déterminant est la capacité du peuple à construire sa propre voie, indépendante. Quelle ligne adoptera Lula ? Quel prix la bourgeoisie et son système judiciaire exigeront-ils ? Vont-ils exiger de Lula une nouvelle allégeance à la classe dominante pour assurer son retour au pouvoir ? Les prochain mois seront très incertains.

Lula, candidat naturel ?

L’enjeu est maintenant l’appel à la mobilisation sociale, avec des casserolades, des convois automobiles, et en descendant dans la rue dès que les conditions sanitaires le permettent, ou même malgré elles, si c’est inévitable, comme cela s’est passé à côté de chez nous, au Paraguay.

Sur le terrain électoral, le débat sur la nécessité de l’unité contre Bolsonaro se poursuit. Mais, dans le cadre de la division entre partis, et avec les noms en lice, entre autres Ciro [Ciro Gomes, candidat du « centre-gauche » en 2018] et Haddad [Fernando Haddad, candidat du PT en 2018], quelle carte Lula jouera-t-il ? Celle du candidat naturel ? Nous qui défendons un projet au service des travailleurs, en opposition à la continuité de Bolsonaro et des ultra-libéraux bourgeois, nous disons que rien n'est encore joué.

Avec Lula libre de ses mouvements, le débat sur le programme prend encore plus de poids, avecl’expérience de ses 13 années de gouvernement. Le front d’opposition de gauche et de centre-gauche contre Bolsonaro est un défi. Pour nous, un tel front peut et doit être formé. Il est clair qu’en cas de candidature de Lula sur son nom et autour d’un programme actualisé, nous défendrons encore plus, de notre côté, une logique d’indépendance de classe. C’est la raison d’être du PSOL. Le PT devra dire quelles sont les véritables conclusions de ses 13 années de gouvernement social-libéral. Le PSOL saura comment voter pour vaincre Bolsonaro et, dans le même temps, le PSOL saura choisir les tactiques pour défendre ses positions historiques et son projet anticapitaliste.

Tels sont les thèmes des débats qui nous animeront dans les mois à venir.

 

Article publié le 8 mars sur movimentorevista.com.br