Publié le Vendredi 4 novembre 2016 à 23h09.

Au service de Wall Street, il n’y a pas de moindre mal

Le grand show politique qu’ont été les primaires comme la campagne présidentielle elle-même, transformées par Trump en télé-réalité vulgaire et agressive, donne une image inquiétante de l’évolution de la prétendue démocratie américaine. 

Certes, Trump semble hors course : sa grossièreté sexiste, son agressivité, lui ont aliéné la plupart des soutiens qu’il avait dans son propre parti, et Hillary Clinton semble avoir toutes les chances d’être élue... malgré son impopularité et l’intervention du FBI dans la dernière semaine à propos d’une histoire de e-mails...

Si le plus probable reste que Trump ait, au final, joué le rôle de l’idiot utile permettant à la candidate de Wall Street d’apparaître progressiste, il a aussi exprimé, et encouragé, les pires préjugés : racisme et sexisme, chauvinisme et xénophobie, de vieilles maladies qui taraudent depuis longtemps la société américaine, à nouveau exacerbées par les effets de l’offensive des classes dominantes et des déceptions engendrées par Obama.

Obama et l’offensive capitaliste

Ces élections marquent la fin de ce que la victoire d’Obama, le 4 novembre 2008, avait pu laisser espérer : l’ouverture d’une nouvelle ère politique qui tournerait la page des années Bush. « Vous et moi, nous allons changer ce pays, et nous changerons le monde », avait-il alors lancé... Huit ans après, l’histoire a rattrapé Obama.

Les USA, première puissance impérialiste, s’engagent dans une crise sociale et politique d’une ampleur qui ne peut se comparer qu’à celle de 1929. La situation des classes laborieuses s’est dégradée. L’endettement de larges couches de la population ne cesse de croître. Les tensions sociales s’accentuent et, dans le même temps, le racisme, en particulier contre les Afro-Américains.

Après le krach de 2007-2008, le renflouement des banques est allé au-delà de tout ce qui avait été fait auparavant. Le gouvernement a signé un chèque en blanc à la bourgeoisie, lui distribuant avec largesse des milliards de dollars. Ladite croissance américaine, c’est un endettement colossal tant des particuliers, des entreprises que de l’État, supérieur de 13 % à son montant avant l’effondrement de 2007-2008.

Quant à la politique étrangère, le prix Nobel de la paix – ou plutôt celui des déclarations d’intention –, loin de rompre avec la politique de Bush, Obama a renforcé le déploiement militaire américain dans le monde. Alors qu’il avait promis de se retirer d’Irak et d’Afghanistan, les USA y sont encore engagés. Au mépris des espoirs que son discours du Caire, en 2009, avait suscités dans le monde arabe, Obama a engagé plus avant encore les États-Unis dans le chaos créé au Moyen-Orient par la guerre de George W. Bush en Irak. La faillite d’Obama, c’est aussi la crise de la mondialisation libérale et impérialiste.

Les deux Amériques…

Les désillusions et les déceptions offrent un terrain fertile aux idées réactionnaires, à la démagogie dont Trump s’est fait le sinistre propagandiste. Ce dernier a aussi touché d’importantes fractions des travailleurs, des pauvres blancs, sans parler des travailleurs immigrés et noirs. L’existence de cette base électorale montre à quel point la situation politique est devenue dangereuse. Et le danger ne disparaîtra pas après l’élection.

Ce serait une nouvelle illusion que de croire qu’Hillary Clinton est un rempart face à cette menace. Ils sont du même monde, celui des classes dominantes. Clinton, demain au pouvoir, devra composer avec les Républicains et ne pourra qu’accentuer la politique menée par Obama contre les travailleurs et les peuples au seul bénéfice du grand capital américain.

Il y a bien deux Amériques : celles des riches et des très riches et celle des travailleurs et des classes populaires. Cet antagonisme ne cesse de s’approfondir, s’exprimant dans les luttes et mobilisations, à travers aussi le succès de la campagne de Bernie Sanders, même si celui-ci s’est finalement rallié à Clinton. C’est de cet antagonisme que naissent les forces du progrès qui portent l’avenir.

Yvan Lemaitre