Publié le Jeudi 24 juin 2010 à 14h00.

Belgique : divisions sur fond néolibéral....

Avec la victoire du parti nationaliste côté flamand et celle du PS côté francophone, les résultats des élections législatives du 13 juin en Belgique approfondissent la crise institutionnelle. Avec 28,3 % des voix, le parti nationaliste flamand N-VA de Bart De Wever est devenu le premier parti du pays, balayant tous les autres partis flamands, les Verts exceptés. En Wallonie, le PS d’Elio di Ruppo retrouve son niveau « historique » avec 35 % des voix. Très modéré, il profite pourtant des anciens réflexes défensifs du mouvement ouvrier wallon. Partout l’extrême droite a fortement reculé. Le succès du N-VA, qualifié par les francophones de séparatiste, est considéré par ceux-ci comme inquiétant. Mais en quoi la disparition de la Belgique serait-elle inquiétante ? Pour la monarchie, certainement. Mais aussi pour la sécurité sociale unifiée dont « profite » la Wallonie déshéritée et que De Wever veut remettre en cause. C’est le seul argument sérieux contre le séparatisme. De Wever pourra-t-il tenir sa promesse d’aller vers la séparation de la Flandre sous la pression du monarque et des partenaires de la coalition gouvernementale ? La bourgeoisie flamande de son côté exige une profonde réforme institutionnelle avant de se prononcer pour la séparation ou pour une autonomie communautaire approfondie avec la Wallonie comme réserve de main-d’œuvre à bon marché. Pour faire face à la montée de l’extrême droite, les socialistes et les Verts flamands ont réalisé une union sacrée avec les autres partis « démocratiques ». Ils ont cru qu’en défendant l’unité belge, donc avec la Wallonie comme arrière-base, ils pourraient endiguer la marée du VB (ex-Vlaams Blok), mais cette collaboration de classe a, au contraire, renforcé l’impact de la démagogie populiste. La pusillanimité de cette union sacrée pour l’unité de la Belgique a attisé le nationalisme flamand. Cette question est devenue la question politique par excellence dans un État qui n’est pas une nation. Depuis la naissance de la Belgique, la politique culturelle francophone de la bourgeoisie et de l’aristocratie a tué la possibilité de la formation d’une nation avec deux communautés linguistiques. Cette mentalité anti-flamande n’est pas morte, comme le prouve le quotidien belgiciste et monarchiste la Libre Belgique, qui souligne méchamment que De Wever adore la culture allemande et parle mieux l’allemand que le français (oubliant que l’allemand est la troisième langue du royaume). Après un long combat, et cela sans l’appui de la social-démocratie, les Flamands ont obtenu des droits démocratiques concernant l’emploi des langues et l’ouverture de l’éducation pour leurs enfants. Aujourd’hui, La Flandre est devenue plus riche que la Wallonie qui a perdu sa base industrielle. L’idée s’est imposée en Flandre que la crise actuelle est aggravée par les demandes sociales des francophones. Il n’en est rien, mais vu la politique néolibérale de la gauche, la mayonnaise a pris. La question socio-économique se traduit sur le plan politique à travers la question communautaire, bien réelle, qu’on le veuille ou non. Les structures institutionnelles détermineront le taux de plus-value que le patronat pourra extorquer au salariat. La gauche ne peut pas ne pas en tenir compte, ni dans les élections ni dans les luttes syndicales. La négliger reviendrait à laisser le terrain libre à la droite. Cela dit, le mouvement ouvrier wallon a tout intérêt à rejeter son attachement à une Belgique monarchiste. Hendrik Patroons