Nous publions un texte écrit par notre camarade Goto Van Kern (Gauche anticapitaliste) à l’occasion de la manifestation du 28 mai, à Bruxelles, contre l’extrême droite et le fascisme, qui a rassemblé 7 000 personnes. Une manifestation qui faisait suite aux élections du 26 mai (européennes, législatives et régionales), au cours desquelles l’extrême droite, principalement autour du Vlaams Belang, a atteint des scores inédits et menaçants.
Ce dimanche, nous avons vu sur nos écrans la progression fulgurante de l’extrême droite fasciste, violente et nostalgique de la collaboration.
Cette progression doit être comprise clairement, sous peine de se répéter à un niveau bien plus tragique dans les prochaines années.
Responsabilités gouvernementales
Le gouvernement Michel a très clairement contribué à la situation après 5 ans de politiques racistes et autoritaires, qui ont pavé la voie à l’extrême droite fasciste en normalisant leurs idées nauséabondes afin d’appliquer le programme de la fédération des entreprises de Belgique.
Seuls quelques recadrages mous ont fait pâle figure face aux saillies fréquentes de la N-VA [Nouvelle Alliance flamande, droite, membre du gouvernement fédéral de 2014 à 2018] :
– collaborer avec les services secrets soudanais pour leur remettre des réfugiés
– excuser les collaborateurs des nazis
– organiser des rafles de migrantEs selon la nationalité
– menacer les recteurs des universités
– diffamer l’ONG Médecins sans frontières de trafic d’êtres humains
– appeler à contourner l’article 3 de la Convention européenne des Droits humains qui interdit la torture
Cette mollesse dans les recadrages est cohérente avec les mesures défendues par le gouvernement Michel. L’introduction de la déchéance de nationalité, le « lockdown » de Bruxelles pendant quatre jours, la longue présence de l’armée dans les rues, l’enfermement d’enfants en centres fermés et le plan Médusa ayant conduit à la mort de la petite Mawda Shawri, 2 ans.
Ce n’est cependant pas la responsabilité unique de ce gouvernement.
Légitimation des idées d’extrême droite
En 2015, la Ligue des droits humains déclarait que le programme en 70 points du Vlaams Blok, malgré le cordon sanitaire, avait percolé dans les actions des derniers gouvernements : création d’un secrétaire d’État à l’Immigration, multiplication des centres fermés pour étrangers en séjour illégal ou en fin de procédure, expulsions collectives, liste des pays dits « sûrs » ou encore durcissement des conditions d’accès à la nationalité belge.
Toutes ces mesures ont pu être prises sans le concours de la N-VA : elles n’ont en rien freiné la progression de l’extrême droite. C’est au contraire la légitimation de leurs idées.
L’extrême droite reste un projet violemment opposé aux droits de touTEs les exploitéEs et les oppriméEs : contre les travailleurs et les travailleuses, contre les personnes précaires, contre les personnes racisées, contre les femmes, les personnes LGBTQI+ et les personnes handicapées.
Cette famille politique porte un projet autoritaire, hostile à la démocratie et aux contre-pouvoirs que représentent les syndicats, les médias et le tissu associatif.
Une montée de l’extrême droite qui se fait au niveau européen et mondial : en France, en Italie, en Hongrie, aux USA, au Brésil ou aux Philippines, les partis autoritaires poussent comme des champignons. La résistance se doit de dépasser les frontières régionales, linguistiques et nationales pour devenir internationale !
« La meilleure défense, c’est l’attaque »
Compter sur les urnes ou sur la constitution d’un gouvernement raisonnable ne nous sauvera pas sur le long terme. Un autre gouvernement consacré à nous voler nos droits sera la meilleure façon d’alimenter un peu plus la menace fasciste aux prochaines élections.
La meilleure réponse contre cette menace est de rejoindre ces contre-pouvoirs pour bloquer les attaques que nous subissons au quotidien, avec ou sans extrême droite aux commandes, comme nous l’avons fait durant l’hiver 2014, quand le mouvement social avait le dessus sur le gouvernement, avant que les appareils syndicaux ne décident d’aller négocier des miettes avec un gouvernement totalement inféodé au patronat.
La meilleure défense, c’est l’attaque : il est nécessaire que le monde syndical se mobilise pour arracher des victoires concrètes afin de chasser le désespoir, la résignation et l’atomisation cultivés par l’extrême droite. Cette mobilisation devra regarder vers un horizon anticapitaliste, en rupture avec les politiques sécuritaires, austéritaires et racistes.
Cette contre-attaque ne pourra être conséquente que si elle met en place un discours clair et radical contre les discriminations que subissent les premières victimes de l’extrême droite. Avoir une ligne claire sur le sexisme, le racisme, le validisme et les LGBTQI+ phobies sera le meilleur moyen d’avoir le soutien des personnes les plus conscientes de la menace qui pèse sur la population.
C’est en mettant fin aux humiliations que nous subissons par l’auto-organisation quotidienne sur nos lieux de vie que nous pourrons renvoyer l’extrême droite à sa place : dans les poubelles de l’histoire.
Goto Van Kern